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| La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange | |
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Auteur | Message |
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ami de la Miséricorde consacré
Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 8 Nov - 23:21 | |
| PREMIÈRE PARTIE L'EXISTENCE DE DIEU ET DE LA PROVIDENCE
CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
« In ipso vivimus, movemur et sumus » Act. Apost., XVII, 28. C'est en Dieu que nous avons la vie, le mouvement et l'être.
Avant de rappeler le sens et la portée des preuves de l'existence de Dieu et de la Providence, il convient d'indiquer une preuve générale qui contient virtuellement toutes les autres. Elle revient à ceci : Le plus ne sort pas du moins, le plus parfait ne sort pas du moins parfait, qui serait incapable de le produire.
Or il y a dans le monde des êtres vivants et intelligents, qui arrivent à l'existence et disparaissent ensuite, qui donc n'existent pas par eux-mêmes, pas plus ceux du passé que ceux d'aujourd'hui.
Ils ont donc besoin d'une cause qui, elle, existe par elle-même. Il faut donc qu'il y ait de toute éternité un Premier Être, qui ne doive l'être qu'à lui-même et qui puisse le donner aux autres, un Premier Vivant, une Première Intelligence, une Première Bonté et Sainteté. Autrement jamais dans notre monde n'auraient apparu la vie, l'intelligence, la bonté, la sainteté, que nous constatons.
Cette preuve accessible à la raison naturelle, peut être approfondie par la raison philosophique. On ne la trouvera pas en défaut.
Le plus ne peut sortir du moins comme de sa cause pleinement suffisante et efficace, car ce plus de perfection serait ainsi sans cause, sans raison d'être, absolument inintelligible.
Quelle plus grande absurdité que de prétendre que l'intelligence ou la bonté de Jésus et des plus grands saints, d'un saint Jean, d'un saint Paul, d'un Augustin proviennent d'une matière inintelligente, d'une fatalité matérielle et aveugle !
Cette preuve générale se précise d'abord par la considération du mouvement des corps et des esprits, mouvements qui nous montrent que Dieu est le premier moteur de tous les êtres corporels et spirituels.
Déjà donnée par Aristote, cette preuve par le mouvement est proposée comme il suit par saint Thomas dans sa Somme Théologique Ia, q. 2, a. 3.
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde consacré
Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 11 Nov - 20:59 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Il y a du mouvement dans le monde depuis les êtres inférieurs jusqu'aux plus élevés
Saint Thomas part de la constatation de ce fait certain qu'il y a du mouvement dans le monde : mouvement local des corps inanimés qui se déplacent, qui s'attirent, - mouvement qualitatif de la chaleur qui augmente d'intensité ou qui diminue, - mouvement d'accroissement des plantes qui grandissent, - mouvement de l'animal qui désire sa nourriture et se porte vers elle, - mouvement de l'intelligence humaine qui passe de l'ignorance à la connaissance confuse, puis à la connaissance distincte, - mouvement de notre volonté spirituelle qui d'abord ne voulait pas un objet, puis le veut, et le veut d'une façon plus intense ; - mouvement de notre volonté, qui après avoir voulu une fin, veut les moyens pour obtenir cette fin.
Voilà un fait universel; il y a du mouvement dans le monde, depuis celui de la pierre lancée en l'air, jusqu'à celui de notre esprit et de notre volonté. Et nous pouvons dire qu'ici-bas tout est soumis au mouvement ou au changement, non seulement les individus, mais les nations, les peuples, les institutions.
Et lorsque ce mouvement est arrivé à son apogée, il fait place à un autre, comme une vague de la mer est suivie d'une autre vague, une génération d'une autre génération, ce que les anciens représentaient par la roue de la fortune sur laquelle les plus fortunés s'élèvent, pour redescendre ensuite et faire place à d'autres. Est-ce donc que tout passe et que rien ne demeure ? Est-ce que tout est inconsistant ? Est-ce qu'il n'y a rien, de stable et d'absolument ferme ?
Tout mouvement exige un moteur
Comment s'explique ce fait universel du mouvement soit corporel soit spirituel ? Le mouvement s'explique-t-il par lui-même, est-il à lui-même sa raison ou sa cause ?
Pour répondre à cette question il faut tout d'abord remarquer deux choses :
1° Dans le mouvement il y a quelque chose de nouveau, qui demande une explication. Ce quelque chose de nouveau, qui auparavant n'existait pas, d'où provient-il ?
Et cette question se pose aussi bien pour les mouvements passés que pour ceux d'aujourd'hui.
2° Le mouvement n'existe que dans un mobile, et il n'est ce mouvement individuel que parce qu'il est le mouvement de ce mobile.
Il n'y a pas de déplacement sans corps déplacé, pas de flux sans fluide, pas d'écoulement sans liquide, pas de vol sans un oiseau, pas de rêve sans un rêveur, pas de mouvement volontaire sans un être intelligent qui veut.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mar 12 Nov - 20:37 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Tout mouvement exige un moteur
Mais s'il n'y a pas de mouvement sans un mobile, ce mobile peut-il se mouvoir lui-même et par lui seul, sans cause aucune ? La pierre peut-elle se mettre d'elle-même en mouvement, sans quelqu'un qui la lance en l'air, ou sans un autre corps qui l'attire ? Le métal froid, devient-il chaud par lui-même, sans un foyer de chaleur ?
Le vivant, me direz-vous, se meut lui-même. C'est vrai, mais dans le vivant n'y a-t-il pas une partie mobile et une partie motrice ? Si le sang circule dans les artères de l'animal, n'est-ce pas parce que le cœur, en se contractant, le fait circuler ?
Et dans l'homme, si la main se meut, n'est-ce pas parce que la volonté la meut ? Et la volonté à son tour, si elle est mue, si elle passe de l'indétermination à la détermination, ne faut-il pas qu'elle soit mue par un objet qui l'attire, par un bien; et suffit-il que ce bien lui soit présenté, ne faut-il pas qu'elle se porte ou soit portée vers lui ? De fait elle se porte vers les moyens, parce qu'elle veut d'abord la fin; mais s'il s'agit du premier vouloir de la fin, comme au début de notre vie raisonnable ou le matin lorsque nous nous éveillons et que nous commençons à vouloir, ne faut-il pas une motion supérieure qui mette en exercice notre activité volontaire, qui fasse passer notre volonté de l'état de repos, d'inactivité, à son premier acte, cause des suivants ?
Il y a dans cet acte quelque chose de nouveau, qui demande une cause et notre volonté, ne possédant pas encore cette perfection nouvelle, n'a pas pu se la donner. Le plus ne sort pas du moins. (Cf. Saint Thomas Ia - IIae, q. 9, a.4; q. 10, a.4.)
Dirons-nous que la cause de ce mouvement particulier d'un corps ou d'un esprit est un mouvement antérieur ?
Mais si nous considérons le mouvement comme tel, qu'il s'agisse de celui-ci ou des précédents, nous voyons qu'il est un passage de la puissance à l'acte. Or la puissance est moins parfaite que l'acte et donc elle ne peut se le donner. Encore une fois le plus sortirait du moins, s'il n'y avait pas pour tout mouvement un moteur.
La pierre pouvait être déplacée; maintenant elle change de place; ce n'est pas sans un moteur qui la projette ou qui l'attire.
La plante passe de la puissance à l'acte, quand elle grandit ; mais ce n'est pas sans l'influence du soleil, de l'air, des sucs de la terre.
L'animal passe de la puissance à l'acte, quand il se porte vers la proie qui l'attire ; mais ce n'est pas sans l'influx supérieur, qui lui a donné l'instinct de se nourrir de ceci plutôt que de cela.
Source : Livres-mystiques.com
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 13 Nov - 22:04 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Tout mouvement exige un moteur
L'homme passe de la puissance à l'acte, de l'ignorance à la science, son intelligence s'enrichit ; mais elle ne se donne pas à elle-même ces richesses nouvelles, qu'elle n'avait pas.
Notre volonté passe aussi de la puissance à l'acte et s'y affermit parfois héroïquement. D'où lui vient cette perfection nouvelle ? Elle n'a pas pu se la donner, puisque auparavant elle ne l'avait pas.
Tout mouvement, qu'il soit corporel ou spirituel, a donc besoin d'une cause; le mobile n'est pas mû sans moteur. Le moteur peut être intérieur, comme le cœur dans l'animal vivant ; mais si ce moteur lui-même est mû, il a besoin d'un moteur supérieur; le cœur, qui s'arrête au moment de la mort, ne peut se remettre en mouvement. Il faudrait qu'intervînt ici l'auteur même de la vie, qui lui a donné et qui lui a maintenu son mouvement jusqu'à l'usure de l'organisme.
Tel est le principe par lequel saint Thomas éclaire ce grand fait si général du mouvement : Tout mouvement exige un moteur. Les animaux privés d'intelligence voient bien les mouvements sensibles, mais ils ne peuvent comprendre que tout mouvement exige un moteur. Ils ne saisissent pas l'être intelligible, ni les raisons d'être des choses, mais seulement les phénomènes sensibles : couleur, son, chaleur, etc.. Au contraire l'objet de notre intelligence est l'être et les raisons d'être des choses, c'est pourquoi nous saisissons que nul mouvement ne peut être sans un moteur.
Tout mouvement exige un moteur suprême
Mais il faut faire un pas de plus. Si tout mouvement corporel ou spirituel exige un moteur, est-il nécessaire qu'il ait un moteur suprême ?
Plusieurs philosophes ont pensé, comme Aristote, qu'il peut y avoir une série infinie de moteurs accidentellement subordonnés dans le passé, par ex. que la série des générations animales n'a pas eu de commencement, qu'il n'y a pas eu une première poule, ni un premier œuf, mais que toujours, sans commencement, il y a eu des poules qui ont donné des œufs, et que le mouvement circulaire du soleil n'a pas commencé et ne finira pas.
L'évaporation de l'eau des fleuves et de la mer aurait toujours formé la pluie, sans qu'il y ait eu une première pluie.
Nous chrétiens, nous tenons par la Révélation que le monde a commencé, qu'il a été créé, non de toute éternité, non ab æterno, mais dans le temps. C'est un article de foi défini par les Conciles.
Source : Livres-mystiques.com
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 14 Nov - 21:07 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS Tout mouvement exige un moteur suprême.
Mais précisément parce que c'est un article de foi, et non pas seulement un des préambules de la foi, saint Thomas tient qu'on ne peut démontrer par la seule raison que le monde a commencé (Ia, q. 46, 2). Et pourquoi cette vérité dépasse-t-elle les forces naturelles de notre intelligence ? Parce que ce commencement dépend de la libre volonté de Dieu. S'il l'avait voulu, Dieu aurait pu créer le monde dix mille ans plus tôt, cent mille ans plus tôt, des milliards d'années plus tôt, et toujours plus tôt, sans qu'il y ait un premier jour du monde, mais seulement une dépendance du monde à l'égard du Créateur, comme l'empreinte du pied dans le sable dépend du pied et n'aurait pas commencé si le pied avait été toujours là. Il ne semble donc pas impossible, dit saint Thomas, que le monde ait toujours existé, dans la dépendance de Dieu créateur, bien que la Révélation nous apprenne que de fait il a commencé. Mais si la série des moteurs accidentellement subordonnés dans le passé peut être infinie et n'exige pas nécessairement un premier dans le temps, il n'en est pas de même de la série des moteurs nécessairement et actuellement subordonnés à l'instant présent. Ici il faut arriver à un moteur suprême actuellement existant, qui n'ait pas seulement donné une impulsion à l'origine du monde, mais qui meuve tout maintenant. Par, exemple la barque porte le pêcheur, les flots portent la barque, la terre porte les flots, le soleil attire la terre, un centre inconnu attire le soleil. Mais après ? On ne peut aller ainsi à l'infini dans la série des causes actuellement subordonnées. Il faut une cause efficiente première et suprême, non pas seulement dans le passé, mais dans le présent, et il faut que cette cause suprême agisse, influe actuellement, sans quoi les causes subordonnées, qui n'agissent que mues par une autre, n'agiraient pas. Vouloir se passer d'une source, c'est dire qu'une montre peut marcher sans ressort, pourvu qu'elle ait une infinité de roues. Peu importe que la montre ait été remontée mille fois, cent mille fois et même toujours dans le passé, mais ce qui est nécessaire, c'est qu'elle ait un ressort. De même peu importe que la terre ait commencé à tourner autour du soleil, mais ce qui est nécessaire, c'est que actuellement le soleil l'attire, et que le soleil lui-même soit attiré par un centre supérieur actuellement existant. En fin de compte il faut arriver à un premier moteur qui agisse par soi, et non pas par un autre plus élevé. Il faut arriver à un premier moteur qui puisse rendre pleinement compte de l'être même ou de la réalité de son action. Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 15 Nov - 22:43 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Tout mouvement exige un moteur suprême.
Mais celui-là seul peut rendre compte de l'être de son action, qui de soi la possède non seulement en puissance, mais en acte, et qui par conséquent EST son action même, son activité même, qui est la Vie même, au lieu de l'avoir reçue.
Un pareil moteur est absolument immobile, en ce sens qu'il a déjà par soi ce que les autres acquièrent par le mouvement ; il est par conséquent ESSENTIELLEMENT DISTINCT de tous les êtres mobiles, corps ou esprits.
Et c'est déjà la réfutation du panthéisme : Dieu ne saurait se confondre avec le monde, car Dieu est immuable, et le monde est en perpétuel changement, et c'est ce changement même qui requiert un Premier moteur immobile, qui soit son action même de toute éternité, au lieu d'être passé de la puissance à l'acte, et qui par suite soit l'Être même, car l'agir suppose l'être, et le mode d'agir suit le mode d'être : Ego sum Dominus et non mutor (Mal., III, 6). Il est faux que tout passe et que rien ne demeure, que tout soit inconsistant et qu'il n'y ait rien de stable. Il faut un premier moteur absolument immobile.
Nier la nécessité d'une cause suprême, ce serait soutenir que le mouvement s'explique par lui-même, qu'un mobile peut passer par lui-même sans moteur de la puissance à l'acte, qu'il peut se donner l'acte, la perfection nouvelle qu'il n'a pas. - Vouloir se passer d'une cause suprême, c'est prétendre, comme on l'a dit, « qu'un pinceau peut peindre tout seul pourvu qu'il ait un très long manche ». C'est toujours soutenir que le plus sort du moins.
On peut prendre un autre exemple dans l'ordre du mouvement spirituel, pour montrer qu'il faut un moteur suprême, non pas seulement dans le passé, mais dans le présent. Notre volonté commence à vouloir certaines choses, par ex. : un malade veut faire appeler le médecin.
Pourquoi ? Parce que d'abord il veut guérir, et parce que la guérison est un bien. Il a commencé à vouloir ce bien, et ce vouloir est un acte distinct de sa faculté volitive ; notre volonté n'est pas de soi un acte éternel d'amour de bien ; elle ne contient son premier acte qu'en puissance, et lorsqu'il apparaît il est en elle quelque chose de nouveau, une perfection nouvelle.
Pour trouver la raison d'être dernière de ce devenir, de la réalité même de ce premier acte de vouloir, il faut remonter à un premier moteur des esprits et des volontés, et à un premier moteur qui n'ait pas reçu l'influx pour agir, qui agisse sans qu'il lui ait été donné d'agir ; à qui on ne puisse dire : « Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » Il faut arriver à un premier moteur qui soit son activité même, qui agisse uniquement par soi, et qui par conséquent existe par soi, car l'agir suppose l'être et le mode d'agir suit le mode d'être.
Seul l'Être même, qui seul est par soi, peut rendre compte en dernière analyse de l'être ou de la réalité d'un devenir, qui n'est pas par soi.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Sam 16 Nov - 22:29 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Tout mouvement exige un moteur suprême.
L'existence du premier moteur, ne s'impose-t-elle pas à nous, quand nous trouvant en face d'un grand devoir à accomplir coûte que coûte sans tarder, par exemple pour sauver une famille ou une patrie, nous sentons profondément notre faiblesse, notre impuissance, pour passer à l'acte ? Ce qu'il faut alors ce ne sont pas des mots, c'est un acte. Et qui donc nous fera passer de la puissance à l'acte, sinon Celui-là seul qui nous a donné une volonté et qui peut la mouvoir parce qu'il est plus intime à elle qu'elle-même ?
De même notre premier acte d'intelligence, soit au début de notre vie intellectuelle, soit le matin au réveil, suppose une première impulsion de l'Intelligence suprême, sans le concours de laquelle nous ne pourrions rien penser. Cette impulsion qui passe inaperçue chez beaucoup, devient parfois éclatante dans ce qu'on appelle les éclairs de génie. L'homme de génie lui-même participe seulement à la vie intellectuelle. Il y a part. Et tout ce qui est par participation dépend de ce qui est par soi et non par un autre.
L'existence du premier moteur des intelligences ne s'impose-t-elle pas à nous lorsque, ne parvenant pas à voir dans une grave situation où est pour nous le devoir, nous nous recueillons au plus intime de nous-mêmes, et que finalement la lumière se fait ? Comment sommes-nous passés de la puissance à l'acte, sinon par le secours de Celui qui nous a donné l'intelligence et qui seul peut l'enrichir d'une lumière nouvelle ?
Le premier moteur n'est donc en puissance à aucune perfection nouvelle, il est Acte pur, sans mélange d'imperfection. Il se distingue donc réellement et essentiellement de tout esprit limité, qui passe de la puissance à l'acte, de l'ignorance à la science, de tout esprit angélique ou humain. Et c'est là, on le voit de nouveau, une réfutation du panthéisme.
Ce premier moteur des esprits et des corps est-il nécessairement spirituel ?
Il est de toute évidence que pour mouvoir les intelligences et les volontés, sans du reste les violenter, il doit être spirituel. Le plus ne sort pas du moins. Mais même le premier moteur des corps doit être spirituel, car, nous l'avons vu, il doit être immobile, en ce sens qu'il doit être son action même et son être même et cela n'est vrai d'aucun corps : tout corps est mobile, la matière est en perpétuel mouvement.
Même si l'on suppose que la matière première est douée d'énergies primitives essentielles, elle ne peut être un agent qui rende compte par soi de l'être même de son action, car un pareil agent doit non seulement avoir l'action et l'existence, mais il doit être son action même, et son existence même ; il doit par suite être absolument immobile ou posséder par soi toute perfection et non pas y tendre. Or la matière est au contraire toujours en mouvement et reçoit constamment des perfections ou formes nouvelles, en en perdant d'autres. Et donc le premier moteur des esprits et des corps doit manifestement être spirituel. C'est de lui que parle la liturgie, lorsqu'elle dit : Rerum Deus tenax vigor Immotus in te permanens.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 17 Nov - 21:50 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Ce premier moteur des esprits et des corps est-il nécessairement spirituel ?
Dieu, force invincible qui porte toutes choses et qui reste immuable au sommet de tout. Quelle est donc L'IMMOBILITÉ du Moteur suprême des esprits et des corps ?
Ce n'est pas l'immobilité de l'inertie, du corps inerte, car celle-ci est inférieure au mouvement. C'est l'immobilité de l'activité suprême, qui n'a rien à acquérir, parce que de soi et d'emblée elle possède tout ce qu'elle peut avoir et elle peut surabonder au dehors. Sur un navire, les matelots vont de côtés et d'autres pour leurs emplois, mais qui les dirige et qui les meut ?
Le capitaine, qui est immobile sur le pont du navire et qui agit spirituellement par son intelligence et sa volonté. La contemplation immobile du vrai est incomparablement plus vivante que l'agitation.
L'immobilité du premier moteur n'est pas l'immobilité de la pierre, c'est l'immobilité de la contemplation et de l'amour du Bien suprême.
Les Propriétés du moteur suprême
Il s'ensuit que le premier moteur, étant acte pur sans mélange de puissance imparfaite, n'est nullement perfectible ; il EST INFINIMENT PARFAIT ; il est pur être, pure intellection toujours actuelle du vrai suprême, pur amour toujours actuel de la plénitude de l'être toujours actuellement aimée.
IL EST PARTOUT PRÉSENT, parce qu'il atteint pour les mouvoir tous les êtres, esprits ou corps, qui ne se meuvent que par lui.
IL EST ÉTERNEL, car il a par soi dès toujours tout son être et toute son action de pensée et d'amour sans aucun changement. Il possède sa vie toute à la fois dans un unique instant immobile, au-dessus du temps.
Quand le monde a été créé, l'action créatrice n'a pas commencé en Dieu, elle est éternelle ; mais elle a produit son effet dans le temps quand elle l'a voulu, au moment fixé de toute éternité.
Le premier moteur est UNIQUE, car l'Acte pur, au lieu d'avoir reçu l'existence, est l'existence ; il est l'Être même qui ne saurait être multiplié : s'il y avait deux premiers moteurs, chacun n'étant pas l'autre serait limité et imparfait, et ne serait plus l'Acte pur, et l'Être même.
Du reste un second Acte pur ne pourrait rien de plus que le premier, et serait superflu. Or quoi de plus absurde qu'un Dieu superflu ?
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 18 Nov - 21:51 | |
| CHAPITRE PREMIER DIEU, PREMIER MOTEUR DES CORPS ET DES ESPRITS
Ce premier moteur des esprits et des corps est-il nécessairement spirituel ?
S'il en est ainsi, s'il y a un premier moteur actuellement existant des corps et des esprits, quelle conclusion pratique en tirer pour nous ?
1° Il faut apprendre à distinguer dans la vie l'immobilité de l'inertie, et l'immobilité de l'activité supérieure. L'immobilité de l'inertie ou de la mort est inférieure au mouvement. L'immobilité de la contemplation et de l'amour de Dieu est supérieure au mouvement qu'elle peut produire, en le dirigeant et en le vivifiant.
Au lieu d'éparpiller notre vie dans l'agitation, tâchons de la recueillir pour avoir une action plus profonde, plus suivie, plus durable, orientée vers l'éternité.
2° Au sommet de notre âme reprenons souvent contact avec le premier moteur des esprits et des corps, qui n'est autre que le Dieu vivant, auteur non seulement de notre âme et de ses actes naturels, mais auteur de la grâce, et du salut.
Reprenons ce contact dès le matin au réveil, car nous recevons alors l'influx de Dieu, qui met en exercice notre activité ; recevons bien cette première impulsion, en lui étant dociles, au lieu de dévier dès le début de la journée.
Dans le cours de notre journée, reprenons contact avec Celui qui est l'Auteur de la vie, qui ne s'est pas contenté de donner une chiquenaude dans le passé, ou de nous mouvoir au début du jour, mais qui constamment nous soutient et actualise notre vouloir, même notre vouloir le plus libre, en tout ce qu'il a de réel et de bon, à l'exception seule du mal. Le soir avant de prendre notre repos, renouvelons ce contact et tout ce que la saine philosophie vient de nous dire du premier moteur des corps et des esprits, nous apparaîtra transfiguré, surélevé dans le Pater.
« Que votre règne arrive » : le règne de l'Intelligence suprême qui dirige les autres. « Que votre volonté soit faite » : la volonté à laquelle toutes les autres doivent se subordonner pour atteindre leur véritable fin.
« Ne nous laissez pas succomber à la tentation » mais soutenez-nous de votre force, soutenez notre intelligence dans le vrai, notre volonté dans le bien. Alors nous comprendrons de mieux en mieux le sens de la parole de saint Paul à l'Aréopage (Act., 17, 24) : « Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qu'il renferme... d'un seul homme a fait sortir tout le genre humain,.. à fin que les hommes le cherchent et le trouvent comme à tâtons : quoiqu'il ne soit pas loin de chacun de nous; car C'EST EN LUI QUE NOUS AVONS LA VIE, LE MOUVEMENT ET L'ÊTRE » et non seulement l'être naturel, mais l'être surnaturel de la grâce qui est la vie éternelle commencée. Ce moteur suprême des esprits et des corps, foyer d'où s'échappe la vie de la création, nous n'avons pu en parler que d'une manière abstraite, fort imparfaite, c'est Lui que nous devons voir immédiatement au terme de notre voyage vers l'éternité.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mar 19 Nov - 22:06 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE Cœli enarrant gloriam Dei. Ps. XVIII, 12. Les cieux racontent la gloire de Dieu. Nous avons précisé la preuve générale de l'existence de Dieu « le plus ne peut sortir du moins » par l'examen du mouvement. Nous avons vu que tout mouvement corporel ou spirituel exige un moteur et en dernière analyse un moteur suprême, car, dans la série des causes actuellement subordonnées, comme la terre attirée par le soleil et le soleil attiré par un centre supérieur, il faut s'arrêter à un moteur suprême, qui n'a pas besoin d'être prému, et qui par suite doit avoir l'agir par lui-même pour pouvoir le donner aux autres ; en d'autres termes, il doit être son action au lieu de l'avoir reçue. Il agit, sans qu'il lui ait été donné d'agir. Et comme l'agir suppose l'être et que le mode d'agir suit le mode d'être, le Moteur suprême des esprits et des corps, pour être son action, doit être l'Être même, selon l'expression biblique : « Ego sum qui sum : Je suis Celui qui suis ». Il nous faut parler maintenant d'une preuve qui établit à la fois l'existence de Dieu et sa Providence. C'est celle qui se tire de l'ordre du monde. C'est la plus populaire des preuves de l'existence de Dieu. Facilement accessible à la raison naturelle, elle peut être toujours approfondie par la raison philosophique, et étendue de l'ordre physique à l'ordre moral, elle peut conduire à la plus haute contemplation. Elle se trouve exprimée dans le Psaume 18, 12 : Coeli enarrant gloriam Dei, les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l'œuvre de ses mains. Voyons d'abord le fait qui est le point de départ de la preuve, nous verrons ensuite le principe qui permet de s'élever de ce fait jusqu'à l'existence de Dieu et de sa Providence. Le fait : l'ordre de l'univers Le fait est qu'il y a dans la nature, chez les êtres dépourvus d'intelligence, des moyens admirablement ordonnés à des fins. « Cela se voit, dit saint Thomas (Ia, q. 2, a. 3), car ces êtres dépourvus d'intelligence, comme les astres, les plantes, les animaux, agissent toujours ou du moins le plus souvent pour produire ce qu'il y a de MIEUX. » La finalité ou l'ordre apparaissent déjà dans l'attraction universelle des corps ordonnée à la cohésion de l'univers, dans le mouvement de translation du soleil qui entraîne avec lui tout son système, dans le double mouvement de la terre, mouvement de rotation autour de son axe qu'elle exécute en 24 heures, en produisant le jour et la nuit, et mouvement de translation autour du soleil, qu'elle accomplit en 365 jours, en produisant la variété des saisons. Cette régularité constante du cours des astres montre qu'il y a là des moyens ordonnés à une fin, comme l'ont dit les plus grands astronomes ravis d'admiration par les lois qu'ils découvraient. Et que de choses excellentes sur la terre n'arriveraient pas sans la différence du jour et de la nuit et sans la distinction des saisons nécessaire à la germination des plantes et à leur développement. Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 20 Nov - 21:15 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE
Cœli enarrant gloriam Dei. Ps. XVIII, 12. Les cieux racontent la gloire de Dieu.
Le fait : l'ordre de l'univers
Si nous nous élevons un peu plus haut en considérant l'organisme des plantes, nous le trouvons admirablement ordonné pour leur permettre d'utiliser les sucs de la terre, les transformer en sève, pour leur permettre en un mot de se nourrir et de se reproduire d'une façon régulière et constante. Il suffit de regarder un grain de froment mis en terre, pour voir qu'il est ordonné à produire un épi de blé, et non pas de l'orge ou du riz.
Il suffit de considérer un chêne pour voir l'utilité de ses racines et de sa sève pour la vie de ses branches et de ses feuilles. Il suffit d'examiner l'ensemble des organes d'une fleur, pour voir qu'ils concourent à la formation du fruit, qu'elle est ordonnée à produire : une cerise ou une orange. Telle fleur est ordonnée à produire tel fruit et non pas tel autre. Comment ne pas voir une idée directrice dans la formation de ce fruit ?
Si nous nous élevons plus haut encore et considérons l'organisme des animaux, soit inférieurs, soit supérieurs, nous voyons que l'ensemble de cet organisme est ordonné à leur nutrition, à leur respiration, à leur reproduction. Le cœur fait circuler le sang rouge dans tout l'organisme pour le nourrir, puis le sang noir, chargé d'acide carbonique, vient se retransformer en sang rouge dans les poumons au contact de l'oxygène de l'air. Il est clair que le cœur et le poumon sont pour la conservation de l'animal et de l'homme.
Certaines parties de l'organisme animal sont de véritables merveilles : les articulations du pied faites pour toutes les positions de la marche, celles de la main faites pour les mouvements les plus variés. Les ailes de l'oiseau faites pour le vol beaucoup mieux que les meilleurs avions. La moindre cellule en rapport avec des milliers d'autres est un chef-d'œuvre. Particulièrement belle est l'harmonie des multiples parties de l'oreille pour percevoir les sons et la structure si compliquée de l'œil, où l'acte de vision suppose treize conditions réunies et chacune de ces conditions en suppose une foule d'autres, toutes ordonnées à cet acte si simple qu'est la vision.
Il y a là une ordination admirable d'une quantité prodigieuse de moyens à une même fin, et l'œil se forme toujours ou le plus souvent pour produire ce qu'il y a de mieux.
Si nous considérons l'activité instinctive des animaux, surtout de certains, comme l'abeille, ce sont de nouvelles merveilles ; il faudrait être un mathématicien de génie pour inventer et construire une ruche d'abeilles, et nul chimiste n'est encore parvenu à faire du miel avec le suc des fleurs. Cependant on voit que l'abeille n'est pas elle-même intelligente, car elle ne vraie jamais son travail, elle ne le perfectionne pas, elle est déterminée à le faire toujours par l'instinct naturel de la même façon depuis le commencement du monde et elle le fera toujours de même sans le perfectionner, tandis que l'homme perfectionne toujours les outils qu'il a inventés, parce qu'il connaît par son intelligence leur finalité. L'abeille, elle, agit pour une fin, sans le savoir, mais elle agit admirablement
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 21 Nov - 20:58 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE
Cœli enarrant gloriam Dei. Ps. XVIII, 12. Les cieux racontent la gloire de Dieu.
Dira-t-on que cet ordre admirable des astres, de l'organisme végétal ou animal, de l'instinct des animaux est l'effet d'un hasard heureux ?
Mais ce qui arrive heureusement par hasard, se produit, non pas toujours ou très souvent, mais d'une façon fort rare. C'est par hasard qu'un trépied lancé en l'air tombe sur ses trois pieds, mais c'est rare. C'est par hasard que celui qui creuse une tombe, trouve un trésor, mais c'est rare. Au contraire l'ordre admirable de la nature que nous venons de considérer est celui de lois fixes, immuables, qui s'appliquent toujours ; c'est une harmonie constante et comme la symphonie perpétuelle de l'univers pour ceux qui savent entendre, c'est-à-dire pour les grands artistes; les grands penseurs et pour les simples à qui la nature parle de Dieu.
Dira-t-on qu'un hasard heureux, au milieu de beaucoup d'organismes inutiles, en a formé quelques-uns d'admirables, aptes à la vie et qu'ils se sont par suite conservés, tandis que les inutiles ont disparu ? C'est la théorie évolutionniste de la survivance des plus aptes.
Mais cela reviendrait à dire que le hasard est la cause première de l'harmonie de l'univers et de ses parties. Or cela est impossible. Pour s'en rendre compte il suffit de réfléchir à ce que c'est que le hasard. Le hasard et son effet sont quelque chose d'accidentel: c'est accidentellement que le trépied lancé en l'air tombe sur ses trois pieds ; c'est accidentellement que celui qui creuse un sépulcre trouve un trésor. Or l'accidentel suppose le non accidentel ou l'essentiel, le naturel, comme l'accessoire suppose le principal.
S'il n'y avait pas de loi naturelle de la pesanteur, le trépied lancé en l'air ne tomberait pas accidentellement sur ses trois pieds. Si celui qui trouve accidentellement un trésor n'avait pas eu l'intention de creuser là une tombe, cet effet accidentel n'aurait pas eu lieu. Le hasard n'est que la rencontre accidentelle de deux actions, qui, elles, ne sont pas accidentelles, mais intentionnelles, au moins au sens d'inclination naturelle inconsciente. Et donc dire que le hasard est la cause première de l'ordre du monde, c'est expliquer l'essentiel par l'accidentel, le primordial par l'accessoire; c'est donc détruire l'essentiel, le naturel, et toute nature, toute loi naturelle.
Il n'y aurait plus que des rencontres fortuites, sans rien qui puisse se rencontrer; ce qui est absurde. C'est dire que l'ordre admirable de l'univers et de ses parties est sorti du désordre, de l'absence d'ordre, du chaos, sans cause aucune ; c'est dire que l'intelligible est sorti de l'inintelligible ; que notre cerveau et notre intelligence viennent d'une fatalité matérielle et aveugle ; c'est dire encore une fois que le plus sort du moins, le plus parfait du moins parfait. C'est là l'absurdité même mise à la place du mystère de la création, mystère qui a ses obscurités, mais qui est manifestement conforme à la droite raison.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 22 Nov - 22:48 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE Dira-t-on que cet ordre admirable des astres, de l'organisme végétal ou animal, de l'instinct des animaux est l'effet d'un hasard heureux ?
Le fait qui est le point de départ de notre preuve subsiste donc : il y a de l'ordre et de la finalité dans le monde, c'est-à-dire des moyens ordonnés à des fins, car des êtres dépourvus d'intelligence comme les plantes et les animaux agissent toujours ou le plus souvent pour produire ce qu'il y a de mieux. L'attraction universelle est pour la cohésion de l'univers, le germe du grain de blé est pour produire l'épi, la fleur pour le fruit ; le pied de l'animal pour la marche, les ailes de l'oiseau pour le vol, le poumon pour respirer, l'oreille pour entendre, l'œil pour voir. Le fait de l'existence de la finalité est indéniable, le positiviste Stuart Mill lui-même l'avoue.
Bien plus non seulement c'est un fait que tout agent naturel agit pour une fin, mais il ne peut en être autrement: tout agent doit agir pour une fin, car pour l'agent, agir c'est tendre à quelque chose de déterminé qui lui convient, c'est-à-dire à une fin. Et si l'agent n'agissait pas pour une fin déterminée, il ne produirait rien de déterminé, pas plus ceci que cela, il n'y aurait pas de raison pour que l'œil voie au lieu d'entendre, pour que l'oreille entende au lieu de voir. (Cf. Saint Thomas, Ia-IIae, q. I, a. 2.)
On objectera peut-être que nous ne voyons pas à quoi sert la vipère et plusieurs autres animaux nuisibles. Oui, la finalité externe de certains êtres nous échappe souvent, mais leur finalité interne est évidente, nous voyons bien comment les organes de la vipère sont utiles à sa nutrition, à sa conservation. Quant à son action venimeuse sur nous, elle nous invite à prendre garde, elle nous rappelle que nous sommes vulnérables, que nous ne sommes pas des dieux, et la foi nous dit que si l'homme n'avait pas péché, le serpent ne lui serait pas devenu nuisible. Il y a assez de lumière pour ceux qui veulent voir, malgré les obscurités ou les ombres.
Les matérialistes disent qu'il y a autant de chaleur, de mouvement ou d'énergie calorifique dans une bouillotte que dans un aigle des Alpes.
« Oui, répond le peintre Ruskin, mais, pour nous autres peintres, le fait auquel va notre attention, c'est que la bouillotte a un couvercle sur le dos, et l'aigle une paire d'ailes... C'est aussi que la bouillotte reste tranquille près du feu, tandis que l'aigle aime à se suspendre dans les airs. C'est cela, non le degré de température constaté tandis que le vol s'accomplit, qui nous semble la circonstance intéressante. » (Ethics of the Dust.) Le matérialiste ne voit pas que les ailes sont pour le vol, les yeux pour voir ; il ne veut pas reconnaître la valeur ou la finalité des yeux ; il va pourtant chez l'oculiste, comme tout le monde, s'il s'aperçoit qu'il perd la vue. Et c'est là reconnaître pratiquement que les yeux sont faits pour voir.
Il y a assez de lumière pour ceux qui veulent voir, malgré les obscurités et les ombres. La finalité de la nature est un fait évident, non pas pour nos sens qui n'atteignent que les phénomènes sensibles, mais pour notre intelligence faite pour saisir les raisons des choses. Pour elle, manifestement l'œil est pour voir, l'oreille pour entendre.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Sam 23 Nov - 22:11 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE Dira-t-on que cet ordre admirable des astres, de l'organisme végétal ou animal, de l'instinct des animaux est l'effet d'un hasard heureux ?
Un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ordonnatrice Comment de ce fait de l'existence de l'ordre du monde pouvons-nous nous élever à la certitude de l'existence de Dieu ? Par ce principe : Les êtres qui ne possèdent pas l'intelligence ne peuvent TENDRE vers une fin que s'ils sont dirigés par une cause intelligente, comme la flèche par l'archer. Plus simplement : « un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ».
Pourquoi ? Parce que la fin, qui détermine la tendance et les moyens, n'est autre que, l'effet futur à réaliser. Or un effet futur, qui n'a pas encore d'existence actuelle, doit, pour déterminer la tendance, être déjà présent en quelque manière et ne peut l'être que dans un être connaissant.
Si nul n'a jamais connu la fin pour laquelle l'œil existe, on ne peut dire que l'œil est fait pour voir. Si nul n'a jamais connu la fin du travail de l'abeille, on ne peut dire que ce travail est pour produire du miel. Si nul n'a jamais connu la fin de l'action du poumon, on ne peut dire que cette action est pour renouveler le sang, au contact de l'oxygène de l'air.
Mais pourquoi faut-il une intelligence ordonnatrice ? Pourquoi l'imagination ne suffit-elle pas ? Parce que seule l'intelligence connaît les raisons d'être des choses, et donc la fin qui est la raison d'être des moyens. Seule une intelligence peut voir que les ailes de l'oiseau sont faites pour le vol, le pied pour la marche, et seule une intelligence a pu ordonner les ailes au vol, le pied à la marche, l'oreille à l'audition des sons, etc.
L'hirondelle, qui ramasse une paille pour faire son nid, le fait sans voir que la construction du nid est la raison d'être de l'action qu'elle accomplit. L'abeille qui recueille le suc des fleurs ignore que le miel est la raison d'être de cette récolte. Seule l'intelligence atteint non pas seulement la couleur ou le son, mais l'être et les raisons d'être des choses.
Seule une intelligence ordonnatrice a pu ordonner des moyens à une fin. Sans elle, le plus sort du moins, l'ordre du désordre. Mais pourquoi faut-il une intelligence infinie, proprement divine ? Pourquoi, demande Kant, une intelligence limitée, comme celle d'un ange, ne suffirait-elle pas à expliquer l'ordre de l'univers ?
Pourquoi ? - Parce qu'une intelligence finie ou limitée ne serait pas la Pensée même, l'Intellection même, ni la Vérité même. Or une intelligence, qui n'est pas la Vérité même toujours connue, est seulement ordonnée à connaître la Vérité. Et cette ordination passive suppose une ordination active, qui ne peut provenir que de l'Intelligence suprême, qui est la Pensée même et la Vérité même. - En ce sens Notre-Seigneur déclare qu'il est Dieu, lorsqu'il dit « Je suis la voie, la vérité et la vie : Ego sum via, veritas et vita » ; non seulement : j'ai reçu la Vérité, mais « je suis la Vérité et la Vie ».
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 24 Nov - 22:24 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE Un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ordonnatrice
Voilà le terme auquel aboutit notre preuve : une intelligence ordonnatrice souverainement parfaite qui est la Vérité même et donc l'Être même, puisque le vrai c'est l'être connu. C'est le Dieu de l'Écriture Ego sum qui sum. C'est la Providence, ou la raison suprême de l'ordre des choses, qui a ordonné toutes les créatures à leur fin et les dirige vers la fin dernière de l'univers, qui est la manifestation de la bonté divine. Ainsi parle saint Thomas Ia, q. 22, a. 1 : « Necesse est ponere providentiam in Deo. Omne enim bonum quod est in rebus, a Deo creatum est, ut supra ostensum est. In rebus autem creatis invenitur bonum, non solum quantum ad substantiam rerum, sed etiam quantum ad ordinem earum in finem, præcipue in finem ultimum, qui est bonitas divina, ut supra habitum est. Hoc igitur bonum ordinis in rebus existens a Deo creatum est. Cum autem Deus sit causa rerum per suum intellectum et sic cujuslibet sui effectus oportet rationem in eo præexistere ; necesse est quod ratio ordinis rerum in finem in mente divina præexistat. Ratio autem ordinandorum in finem proprio providentia est. » La Providence est, dans l'intelligence divine, la raison de l'ordre de toutes choses à leur fin, et le gouvernement divin, comme le dit saint Thomas, ibid., ad 2m, est l'exécution de cet ordre.
Nous saisissons mieux maintenant le sens de la parole du Psaume : Cœli enarrant gloriam Dei. L'ordre admirable du ciel étoilé raconte et chante la gloire de Dieu, nous fait connaître son intelligence infinie. L'harmonie de l'univers est comme une symphonie merveilleuse, c'est comme le chant à la fois très doux et très puissant du Dieu créateur. Bienheureux ceux qui l'entendent.
N'y -il pas dans cette preuve de l'existence de Dieu par l'ordre du monde, une grande leçon morale ?
Oui, une très grande leçon, celle qui nous est donnée dans le livre de Job, et plus clairement ensuite dans le sermon de Jésus sur la Montagne. Cette leçon est celle-ci : S'il y a un pareil ordre dans le monde physique, à plus forte raison doit-il exister dans le monde moral, malgré les crimes que la justice humaine laisse impunis, comme elle laisse sans récompense bien des actes héroïques où apparaît dès ici-bas l'intervention de Dieu.
C'est la réponse du Seigneur à Job et à ses amis. Le livre de Job, nous y insisterons plus loin, a en effet pour but de répondre à cette question : pourquoi les justes souffrent-ils ici-bas parfois plus que les impies ? Est-ce toujours pour expier leurs fautes, du moins leurs fautes cachées ?
Les amis de Job l'affirment, et reprochent au pauvre affligé de se plaindre. Job nie que toutes les afflictions et tribulations des justes viennent de leurs péchés, même de leurs péchés cachés. Et il se demande pourquoi tant de souffrances sont tombées sur lui. A la fin du livre, le Seigneur répond (c. 32-42) en manifestant l'ordre admirable du monde physique, toute sa splendeur, depuis la vie de l'insecte jusqu'au vol de l'aigle, comme pour dire : s'il y a un pareil ordre dans les choses sensibles, à combien plus forte raison doit-il y avoir de l'ordre dans la conduite de ma Providence à l'égard des justes, même lorsqu'ils sont terriblement éprouvés. Seulement c'est là une chose mystérieuse et cachée, qu'il n'est pas donné aux hommes de voir ici-bas.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 25 Nov - 21:27 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE
N'y -il pas dans cette preuve de l'existence de Dieu par l'ordre du monde, une grande leçon morale ?
Notre-Seigneur dira plus clairement dans le Sermon sur la Montagne (Matth., VI, 25) : « Pourquoi vous inquiétez-vous pour votre vie, de ce que vous mangerez ou boirez... Regardez les oiseaux du ciel, ils ne sèment, ni ne moissonnent, le Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ?... Considérez les lis des champs... ils ne travaillent ni ne filent. Et cependant, je vous le dis, Salomon même dans toute sa gloire n'est pas vêtu comme l'un d'eux..
Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs... ne le fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ? » S'il y a de l'ordre dans le monde sensible et une providence pour les oiseaux, à combien plus forte raison y a-t-il de l'ordre dans le monde spirituel, et une providence pour les âmes immortelles des hommes.
Enfin Notre-Seigneur donne la réponse définitive à la question posée dans le livre de Job, lorsqu'il dit en S. Jean, XV, 1-2 : « Je suis la vigne et mon Père est le vigneron.., et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, afin qu'il en porte davantage ».
Il l'éprouve comme job pour qu'il porte les grands fruits de la patience, de l'humilité, de l'abandon et de l'amour de Dieu et du prochain, les grands fruits de la charité, qui est la vie éternelle commencée.
Telle est la grande leçon morale qui ressort de cette belle preuve de l'existence de Dieu : s'il y a un ordre admirable dans le monde sensible, à combien plus forte raison dans le monde moral et spirituel, malgré les épreuves et tribulations : il y a assez de lumière pour ceux qui veulent voir, et marcher ainsi vers la vraie lumière de l'éternité.
CHAPITRE III DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES
Les preuves de l'existence du Premier moteur des esprits et des corps et de l'Intelligence suprême qui a ordonné l'univers nous disposent à mieux entendre trois autres preuves traditionnelles de l'existence de Dieu, Être et Vérité suprêmes, et de Dieu Souverain Bien, source du bonheur et fondement suprême du devoir. Il est nécessaire de les rappeler pour se faire une juste idée de la Providence.
A la suite de Platon, d'Aristote, de saint Augustin, saint Thomas dans sa Somme Théologique, Ia, q. 2, a. 3. 4a via, expose la première de ces preuves dite par les degrés de perfection. Elle a son point, de départ dans le plus ou moins de perfection des êtres de l'univers, perfection toujours limitée, qui conduit notre esprit à affirmer l'existence de la Perfection suprême, de la Vérité suprême, de la Beauté suprême.
Voyons de près le point de départ de cette preuve, le fait sur lequel elle s'appuie, et ensuite le principe, par lequel elle s'élève de ce fait à l'existence de Dieu.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mar 26 Nov - 21:54 | |
| CHAPITRE II L'ORDRE DE L'UNIVERS ET LA PROVIDENCE
N'y -il pas dans cette preuve de l'existence de Dieu par l'ordre du monde, une grande leçon morale ?
Le fait: les degrés de perfection Le point de départ de la preuve est ce fait : Il y a dans l'univers des choses plus ou moins bonnes, plus ou moins vraies, plus ou moins nobles. En d'autres termes dans l'univers des choses corporelles et spirituelles, la bonté, la vérité, la noblesse existent à des degrés divers, depuis le plus infime minéral qui a sa force, sa résistance, comme, le fer, jusqu'aux degrés supérieurs de la vie intellectuelle et morale, qui apparaissent dans les grands génies et les grands saints.
Ces degrés de la bonté des choses, nous les expérimentons tous les jours une pierre est bonne, disons-nous, lorsqu'elle est solide et ne s'effrite pas ; un fruit est bon, parce qu'il nourrit et rafraîchit ; un cheval est bon, parce qu'il peut fournir une longue course ; un maître est bon d'une bonté supérieure, parce qu'il sait et sait enseigner ; un homme vertueux est bon, parce qu'il veut et fait le bien ; un saint est meilleur encore, parce qu'il a la passion ardente du bien, mais un saint, si grand soit-il, a ses limites, et même lorsqu'il a fait beaucoup de bien, il a des heures de grande tristesse et d'impuissance, comme un curé d'Ars, en voyant tout le bien qui reste à faire, et même ce sont les saints qui connaissent le mieux leur misère.
La bonté est donc réalisée à des degrés divers, c'est un fait. Il en est de même de la noblesse: Le végétal est plus noble que le minéral, l'animal que le végétal, l'homme que l'animal ; tel homme est beaucoup plus noble d'esprit et de cœur que tel autre, mais il a lui aussi ses limites, ses tentations, ses faiblesses, ses très grandes imperfections. La noblesse a ses degrés, mais les plus hauts que nous voyons restent encore bien imparfaits. De même le vrai a des degrés, car ce qui est plus riche comme être, comme réalité, est plus riche aussi comme vrai. Au-dessus du faux-or mêlé de cuivre, il y a l'or véritable, au-dessus du faux diamant le vrai diamant ; au-dessus de l'esprit faux l'esprit juste ; au-dessus de l'esprit qui connaît une seule science, la physique, celui qui s'élève aux sciences du monde spirituel, à la psychologie, aux sciences morales et politiques ; mais combien la vérité de ces sciences supérieures est encore bornée !
Les grands savants disent plus nous connaissons, plus nous voyons tout ce qui nous reste à connaître, et que nous savons fort peu de chose, comme les grands saints, plus ils font du bien, plus ils voient tout le bien qui reste à faire.
Mais alors comment s'expliquent ces degrés divers de bonté, de noblesse, de vérité, et aussi de beauté ? Est-ce que cette gradation ascendante reste tronquée, inachevée, sans point culminant, sans sommet ? Est-ce que la marche ascendante de notre esprit vers le vrai, doit s'arrêter à un vrai limité et pauvre, celui par exemple de notre psychologie et de nos sciences morales et politiques ? Est-ce que la marche ascendante de notre volonté vers le bien, doit s'arrêter à un bien imparfait, toujours mêlé de quelque misère et d'impuissance ? Et faut-il que notre enthousiasme à la vue de l'idéal soit toujours suivi de quelque désillusion, et, s'il n'y a pas de sommet, d'une irrémédiable désillusion ? Comment s'expliquent ces degrés divers de bonté, de noblesse, de vérité, de beauté ? Faut-il dire que cette ascension n'aboutit pas, et qu'après les plus hautes intuitions des penseurs ou les plus grands exemples des saints, c'est le vide et le néant ?
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 27 Nov - 21:30 | |
| CHAPITRE III DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES
Le principe: « le plus et le moins parfait présupposent la Perfection même ». A la suite de Platon, d'Aristote et de saint Augustin, saint Thomas explique ce fait des degrés divers du bien et du vrai par le principe suivant : « Le plus et le moins parfait se disent de différents êtres, selon qu'ils approchent plus ou moins de l'être qui est la perfection même ».
Saint Thomas veut-il parler seulement d'une souveraine perfection idéale, qui n'existerait que dans notre esprit, ou d'une perfection réelle ?
Il veut parler d'une perfection réelle, car elle seule peut être cause des degrés divers de perfection que nous avons constatés et qui ont besoin d'une cause.
Le principe invoqué par saint Thomas veut dire : Lorsqu'une perfection, dont le concept n'implique pas d'imperfection, comme la bonté, la vérité, la beauté, se trouve à des degrés divers dans différents êtres, AUCUN DE CEUX QUI LA POSSÈDENT A UN DEGRÉ IMPARFAIT NE SUFFIT A EN RENDRE COMPTE, il faut donc qu'elle ait sa cause dans un être supérieur, qui est cette perfection même.
Arrêtons-nous à la formule de ce principe, pour le bien entendre. Lorsqu'une perfection absolue se trouve, à des degrés divers, en différents êtres, aucun de ceux qui la possèdent à un degré encore imparfait, ne suffit à en rendre compte. Il faut considérer ici 1° le multiple et 2° l'imparfait.
1° Le multiple suppose l'un. En effet, comme le dit Platon, dans le Phédon 101, a, Phédon, son disciple, est beau; mais la beauté n'est point chose propre à Phédon; Phèdre lui aussi est beau. « La beauté qui se trouve dans un être fini quelconque est sueur de la beauté qui se trouve dans les êtres semblables. Aucun n'est la beauté, mais seulement il y participe, il en a une partie ou un reflet. »
Et donc la beauté de Phédon ne peut avoir en lui sa raison d'être, son principe, pas plus que celle de Phèdre ; et si aucun de ces deux hommes ne peut rendre compte de la beauté limitée qui est en lui, il faut qu'ils l'aient reçue d'un principe supérieur, et en fin de compte d'un principe supérieur, qui soit la Beauté même. Bref : toute multiplicité d'êtres plus ou moins semblables suppose une unité supérieure. Le multiple suppose l'un.
2° L'imparfait suppose le parfait. Le principe que nous expliquons s'impose d'autant plus que les êtres que nous voyons n'ont jamais qu'une perfection mêlée de son contraire, mêlée d'imperfection; on ne peut dire que la noblesse et la bonté d'un homme soit sans restriction, elle est si mêlée de faiblesse, d'heures de trouble, d'égarement !
De même la science humaine est très mêlée d'ignorance et même d'erreurs; elle participe seulement à la vérité, elle n'en a qu'une part, une faible part. Et si elle N'EST pas vérité, c'est qu'elle l'a reçue d'une cause supérieure.
Bref : L'être imparfait est composé, et tout composé demande une cause qui ait réuni les éléments qui le constituent. Le divers suppose l'identique, et le composé suppose le simple. (Cf. S. Thomas, Ia, q. 3, a. 7.)
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 28 Nov - 21:23 | |
| CHAPITRE III DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES
Le principe: « le plus et le moins parfait présupposent la Perfection même ».
Nous saisirons mieux encore la vérité de notre principe en remarquant qu'une perfection qui de soi ne comporte pas de limite, comme la bonté, la vérité, la beauté, n'est limitée de fait que par une capacité restreinte qui la reçoit ; ainsi la science est limitée en nous par notre capacité restreinte de savoir, la bonté par notre capacité restreinte de faire le bien. Et alors il est manifeste que, lorsqu'une perfection de ce genre n'existe encore dans un être qu'à l'état imparfait, c'est qu'il y participe seulement, ou il y a part ; c'est donc qu'il l'a reçue d'une cause supérieure, qui doit être cette perfection même sans limite, qui doit être l'Être même, la Vérité même, la Bonté même, pour pouvoir donner aux autres un reflet de cette vérité et de cette bonté.
Parmi les philosophes de l'antiquité, Platon a mis en relief cette vérité dans une des plus belles pages écrites par les Penseurs grecs, dans le Banquet 211, c. Nous devons apprendre, dit-il en substance, à aimer les belles couleurs, la beauté d'un lever ou d'un coucher de soleil, celle des montagnes, celle de la mer et du ciel, la beauté d'une figure noble, mais il faut s'élever au-dessus de la beauté des corps à celle des âmes, belles par leurs actions, puis de la beauté de ces actions à celle des maximes qui les règlent, à celle des sciences, et, de science en science il faut s'élever jusqu'à la sagesse, qui est la science la plus haute, science de l'être, du vrai et du beau.
Et alors s'élève en nous le désir de connaître le Beau lui-même tel qu'il est en soi, le désir de contempler, dit Platon, « cette beauté exempte d'accroissement et de diminution, beauté qui n'est point belle en telle partie, laide en telle autre, belle seulement en tel temps et non en tel autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci et laide pour ceux-là,... beauté qui ne réside pas dans un être différent d'elle-même, dans un animal par exemple, ou dans la terre, ou dans le ciel, ou dans toute autre chose, mais qui existe éternellement et absolument par elle-même et en elle-même ; de laquelle participent toutes les autres beautés, sans que leur naissance ou leur destruction lui apporte la moindre diminution ou le moindre accroissement, ni la modifie en quoi que ce soit » (Banquet, 211, c.). Les désillusions, que nous trouvons ici-bas, sont précisément permises pour nous faire penser plus souvent à cette Beauté suprême et nous la faire aimer.
Ce que Platon dit de la beauté, il faut le dire de la vérité
Au-dessus des vérités particulières et contingentes, qui pourraient ne pas être, comme celle-ci, mon corps existe en ce moment, pour mourir peut-être demain, il y a les vérités universelles et nécessaires, comme celles-ci : l'homme est par nature un être raisonnable, capable de raisonner, sans quoi il ne serait pas distinct de la bête, ou encore : il est impossible qu'une chose en même temps existe et n'existe pas. Ces vérités n'ont pas commencé à être vraies, et elles le seront toujours. Où ces vérités éternelles et nécessaires peuvent-elles avoir leur fondement ? Non pas dans les réalités périssables, car elles les dominent comme des lois absolues auxquelles rien n'échappe.
Non pas dans nos intelligences finies, car ces vérités éternelles et nécessaires dominent aussi et règlent nos intelligences, comme des principes supérieurs.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 29 Nov - 22:07 | |
| CHAPITRE III
DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES
Ce que Platon dit de la beauté, il faut le dire de la vérité
Et alors où est le fondement de ces vérités éternelles et nécessaires, qui dominent toute réalité finie et toute intelligence finie ? Où est ce fondement, sinon dans l'Être suprême, dans la Vérité suprême, toujours connue par l'Intelligence première, qui, loin d'avoir reçu la Vérité, est la Vérité, la Vérité pure sans mélange d'erreur, sans mélange d'ignorance, sans aucune limite ou imperfection.
D'un mot : les vérités, qui, comme des lois nécessaires et éternelles, DOMINENT toute réalité périssable et toute intelligence finie, doivent avoir leur fondement dans une Vérité suprême; qui est l'Être même et la Sagesse même.
Or l'Être même, la Vérité même, la Sagesse même, c'est Dieu. Telle est cette nouvelle preuve de son existence, proposée par Platon, par saint Augustin et par saint Thomas.
Nous voyons mieux maintenant le sens de la portée du principe sur lequel repose cette preuve « Le plus et le moins parfait se disent de différents êtres suivant qu'ils approchent plus ou moins de l'Être qui est la perfection même ».
En d'autres termes : Lorsqu'une perfection, dont le concept n'implique pas d'imperfection, comme la bonté, la vérité, la beauté, se trouve à des degrés divers dans différents êtres, aucun de ceux qui la possèdent à un degré encore imparfait ne suffit à en rendre compte; il y participe seulement et l'a reçue dans la mesure de sa capacité et il l'a reçue d'un Être supérieur, qui est cette perfection même.
Quelle conclusion pratique devons-nous tirer de cette élévation ? Celle que Notre-Seigneur exprimait en disant : « Dieu seul est bon » c'est-à-dire d'une bonté sans mélange, Dieu seul est vrai d'une vérité et d'une sagesse sans limite d'ignorance, Dieu seul est beau de cette beauté sans restriction que nous sommes appelés à contempler un jour face à face, de cette beauté que contemplait dès ici-bas l'intelligence humaine de Jésus, lorsqu'il, parlait à ses disciples.
Dieu seul est grand, comme dit saint Michel en répondant à l'orgueil de Satan. Cela nous met dans l'humilité.
Nous n'avons qu'une existence d'emprunt, que Dieu nous a librement donnée et qu'il nous conserve parce qu'il le veut bien ; - nous n'avons qu'une bonté très mélangée de faiblesse, de misère même, et une sagesse très mélangée d'erreurs. En nous mettant dans l'humilité, cela nous montre par contraste l'infinie grandeur de Dieu.
Et puis s'il s'agit non plus de nous-mêmes mais des autres; si nous avons trouvé des désillusions dans le prochain que nous avions cru meilleur et plus sage; rappelons-nous que nous aussi nous avons donné des désillusions à notre prochain, qu'il est peut-être meilleur que nous; que tout ce que nous avons à nous, par nous-mêmes, c'est-à-dire notre indigence et nos défauts, est inférieur à ce que notre prochain tient de Dieu. C'est le fondement de l'humilité à l'égard d'autrui.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Sam 30 Nov - 22:13 | |
| CHAPITRE III DIEU, ÊTRE ET VÉRITÉ SUPRÊMES
Ce que Platon dit de la beauté, il faut le dire de la vérité
Enfin il faut nous dire que ces désillusions, éprouvées ou causées par nous, à la vue de l'imperfection foncière de la créature, sont permises pour nous faire aspirer plus fortement à connaître et à aimer Celui qui est la Vérité et la Vie, Celui que nous verrons un jour, comme Il se voit. Nous comprendrons alors cette parole de sainte Catherine de Sienne : « la connaissance vécue de notre misère et celle de la grandeur de Dieu grandissent ensemble. Elles sont comme le point le plus bas et le point le plus élevé d'un cercle, qui grandirait toujours ». Et chaque fois que nous voyons mieux nos imperfections, nos limites, nous voyons mieux aussi que Dieu à cause de son infinie sagesse et de son infinie bonté doit être aimé par-dessus tout.
Enfin, dernière remarque, la Vérité suprême nous a parlé elle-même, elle s'est révélée elle-même de façon encore obscure, mais c'est sur elle que repose notre foi chrétienne. C'est au nom de cette Vérité suprême que Jésus dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis... » Il est lui-même la Vérité et la Vie, dont nous devons vivre un peu mieux chaque jour. Ceci dépasse de beaucoup Platon ; ce n'est plus une ascension abstraite, philosophique vers la Vérité suprême ; c'est la Vérité suprême qui s'incline vers nous, pour nous élever jusqu'à elle.
CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
En parlant de Dieu, Être et Vérité suprêmes, nous avons vu que la multiplicité des êtres, qui se ressemblent par une même perfection comme la bonté, ne suffit pas à rendre compte de cette unité de similitude qui est en elle : le multiple, comme le disait Platon, ne peut rendre raison de l'un. Et de plus aucun des êtres qui possèdent cette perfection à un degré imparfait ne suffit à en rendre compte, car chacun est un composé de cette perfection et de la capacité restreinte qui la limite, et, comme tout composé, il demande une cause : « quæ secundum se diversa sunt, non conveniunt in aliquod unum, nisi per aliquam causam adunantem ipsa ». Ce composé participe à cette perfection, il y a part, et donc il l'a reçue et il n'a pu la recevoir que de Celui qui est cette Perfection même, dont la notion n'implique aucune imperfection.
Cette doctrine devient, au point de vue moral, singulièrement vivante en nous rappelant que plus nous constatons nos limites, celles de notre sagesse et de notre bonté, plus nous devons penser à Celui qui est la Sagesse même et la Bonté même. Le multiple ne s'explique que par l'un, le divers que par l'identique, le composé que par le simple, l'imparfait mêlé d'imperfection que par le Parfait, pur de toute imperfection.
Cette preuve de l'existence de Dieu en contient implicitement une autre que Saint Thomas développe ailleurs Ia-IIae, q. 2. a. 8, en montrant que la béatitude ou le vrai bonheur, que l'homme désire naturellement; ne peut se trouver dans aucun bien limité ou restreint, mais seulement en Dieu connu au moins de façon naturelle, et aimé efficacement par-dessus tout. Il démontre que la béatitude de l'homme ne peut être ni dans les richesses, ni dans les honneurs, ni dans la gloire, ni dans le pouvoir, ni dans aucun bien du corps, ni dans un bien de l'âme comme la vertu, ni dans aucun bien limité. La démonstration qu'il donne de ce dernier point tient à la nature même de notre intelligence et de notre volonté[5]. Voyons 1° quel est le fait d'où part cette preuve, 2° quel est le principe sur lequel elle repose ; 3° quel est le terme auquel elle aboutit ; 4° ce qu'elle ne saurait exiger.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 1 Déc - 20:55 | |
| CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
I - Le fait d'expérience: Le vrai bonheur, solide et durable, n'est pas dans les biens qui passent
On peut s'élever au Bien suprême, source d'un bonheur parfait et sans mélange, en partant soit des biens imparfaits subordonnés, soit du désir naturel que ces biens ne parviennent pas à satisfaire.
Si l'on part des biens finis, limités, que l'homme est naturellement porté à désirer, on constate bien vite leur imperfection : qu'il s'agisse de la santé, des plaisirs du corps, des richesses, des honneurs, du pouvoir, de la gloire, de la connaissance des sciences, on est bien obligé de constater que ce sont là des biens qui passent, des biens fort imparfaits et limités.
Or, comme nous le disions, l'imparfait ou le bien mêlé d'imperfection n'est qu'un bien participé par une capacité restreinte qui le reçoit, un bien qui suppose le bien pur, sans mélange de son contraire, comme la sagesse mêlée d'ignorance et d'erreur n'est qu'une sagesse participée qui suppose la Sagesse même. C'est l'aspect métaphysique de l'argument, c'est la dialectique, de l'intelligence par voie de causalité à la fois exemplaire et efficiente.
Mais la preuve dont nous parlons devient plus vive, plus convaincante, plus prenante, si nous partons de notre désir naturel du bonheur que tous nous ressentons si vivement en nous.
C'est l'aspect psychologique et moral de l'argument ; c'est la dialectique de l'amour, fondée sur celle de l'intelligence, qui procède soit par voie de causalité efficiente (productrice ou ordonnatrice), soit par voie de causalité finale.
Ce sont les deux causes extrinsèques, aussi nécessaires l'une que l'autre, et même la fin est la première des causes. Et Aristote (Mét., l. XII, c. 7) a mieux vu la causalité finale de Dieu, Acte pur, que sa causalité efficiente, soit productrice, soit ordonnatrice.
Saint Thomas (Ia-IIae, q. 2, a. 7 et 8, à la suite d'Aristote et de saint Augustin, insiste sur ce fait, que l'homme désire naturellement être heureux, et comme son intelligence, très supérieure aux sens et à l'imagination de l'animal, connaît, non seulement tel bien particulier, délectable ou utile, tel aliment, tel remède, mais le bien en général (universale in prædicando), ce qui constitue le bien comme tel, le désirable quel qu'il soit, il s'ensuit que l'homme, tendant, non pas vers l'idée abstraite du bien, mais vers le bien réel qui est dans les choses, ne peut trouver sa vraie béatitude en aucun bien fini ou limité, mais seulement dans le Souverain Bien (bonum universale in essendo et in causando).
Il est impossible que l'homme trouve le vrai bonheur, qu'il désire naturellement, en aucun bien limité, car son intelligence constatant aussitôt LA LIMITE, conçoit un bien supérieur, et naturellement la volonté le désire.
C'est là un fait profondément noté par saint Augustin dans ses Confessions I, 1, lorsqu'il dit : Notre cœur, Seigneur, reste toujours dans l'inquiétude, l'insatisfaction, tant qu'il ne se repose pas en toi : « Irrequietum est cor nostrum, donec requiescat in te, Domine ».
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 2 Déc - 21:33 | |
| CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
I - Le fait d'expérience: Le vrai bonheur, solide et durable, n'est pas dans les biens qui passent
Qui d'entre nous n'a constaté ce fait dans sa vie profonde ? Si nous sommes malades, nous désirons naturellement la santé, comme un grand bien, et dès que nous sommes guéris, si heureux soyons-nous de notre guérison, nous constatons que la santé ne suffit pas à notre bonheur, et qu'elle ne donne pas la paix de l'âme; on peut être en parfaite santé, et accablé de tristesse. - Il en est de même des plaisirs des sens : loin de suffire à nous donner le bonheur, pour peu qu'on en abuse, ils jettent dans le désenchantement et le dégoût, parce qu'aussitôt notre intelligence, qui conçoit le bien universel et sans limite, nous dit : cette délectation sensible, qui t'attirait tout à l'heure, tu vois, maintenant que tu l'as obtenue, qu'elle est la pauvreté même, et incapable de satisfaire le vide profond de ton cœur, incapable de répondre à ton désir du bonheur.
Il en est de même des richesses, et des honneurs, souvent tant désirés ; dès qu'on les a, on voit que les satisfactions qu'ils nous donnent sont terriblement passagères et superficielles, incapables elles aussi de combler le vide de notre cœur ; notre intelligence nous dit : toutes ces richesses et ces honneurs ne sont encore qu'un pauvre bien fini, de la fumée, que le moindre vent dissipe.
Il faut en dire autant du pouvoir, de la gloire, car celui qui s'élève sur la roue de la fortune, à peine est-il arrivé au sommet, qu'il commence à redescendre, il doit faire place à d'autres, il sera bientôt un astre qui s'éteint. Et même si les plus fortunés gardent quelque temps le pouvoir et la gloire, ils ne peuvent y trouver le vrai bonheur, mais souvent ils y trouvent tant d'inquiétudes et d'ennuis, qu'ils aspirent à se retirer de tout.
Il faut en dire autant de la connaissance des sciences ; ce n'est là qu'un bien fort limité : le vrai, fût-il complet et sans mélange d'erreur, est le bien de l'intelligence, mais il n'est pas le bien de tout l'homme; en dehors de l'intelligence, le cœur, la volonté ont aussi leurs besoins spirituels profonds, et s'ils ne sont pas satisfaits, il n'y a point de vrai bonheur.
Le trouverons-nous dans une amitié très pure et très haute ? Elle nous apportera certes de grandes joies, parfois très intimes, bien sûr ; mais nous avons une intelligence qui conçoit le bien universel, sans limite, et ici aussi elle ne tardera pas à constater que cette amitié très pure et très haute n'est encore qu'un bien fini. On se rappellera le mot de sainte Catherine de Sienne : « Voulez-vous pouvoir vous désaltérer longtemps à cette coupe d'une véritable amitié, laissez-la sous la source d'eau vive, autrement vous l'aurez bien vite épuisée, elle ne pourra plus répondre à votre soif ». Si elle y répond, c'est que la personne aimée devient meilleure, et pour le devenir elle a besoin de recevoir une bonté nouvelle d'une source supérieure.
Même s'il nous était donné de voir un ange, de le voir immédiatement dans sa beauté suprasensible, purement spirituelle, nous serions d'abord émerveillés ; mais notre intelligence, qui conçoit le bien universel et sans limite, ne tarderait pas à nous dire : ce n'est là encore qu'un bien fini, et par là même très pauvre en comparaison du Bien-même, sans limite, et sans mélange d'imperfection. Deux biens finis, si inégaux soient-ils, sont également distants de l'Infini ; en ce sens, l'ange et le grain de sable sont également infimes.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mar 3 Déc - 21:21 | |
| CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
II - Le principe, qui permet de s'élever à Dieu
Ce désir naturel du bonheur, que nous portons tous en nous, ne peut-il donc pas être satisfait ? Se peut-il qu'un désir NATUREL soit vain, chimérique, sans aucun sens, sans aucune portée ? On comprend qu'un désir né d'une fantaisie de l'imagination ou d'une erreur de la raison, comme le désir d'avoir des ailes, soit chimérique. Mais un désir fondé sur la nature et immédiatement, sans l'intermédiaire d'aucun jugement conditionnel, comment le serait-il ? Le désir du bonheur n'est pas une simple velléité conditionnelle, il est inné ou immédiatement fondé sur la nature, qui est quelque chose de stable, de ferme, qui se retrouve chez tous les hommes de tous les pays et de tous les temps. Bien plus, c'est la nature même de notre volonté, qui, avant tout acte, est une faculté appétitive du bien dans son universalité.
La nature de notre volonté pas plus que celle de notre intelligence ne peut être le résultat du hasard, d'une rencontre fortuite, puisque notre volonté, comme notre intelligence, est un principe d'opération tout à fait simple, et nullement composé d'éléments divers que le hasard aurait pu réunir.
Le désir naturel de cette volonté peut-il être chimérique ? Déjà le désir naturel des êtres inférieurs à nous n'est pas vain, comme le remarque du point de vue expérimental le naturaliste. Le désir naturel de l'herbivore est de trouver de l'herbe, et il la trouve; celui du carnivore est de trouver de la chair à manger, et il la trouve. Le désir naturel de l'homme est d'être heureux et le vrai bonheur ne se trouve de fait et ne peut se trouver en aucun bien limité; ce vrai bonheur est-il introuvable ? Le désir naturel de l'homme serait-il donc trompeur, sans finalité, alors que le désir naturel des êtres inférieurs n'est pas vain ?
Mais il n'y a pas là seulement un argument de naturaliste, fondé sur l'expérience et l'analogie de notre désir naturel avec celui des êtres inférieurs. Il y a là un argument métaphysique fondé sur la certitude de la valeur absolue du principe de finalité.
Si le désir naturel du vrai bonheur est chimérique, c'est toute l'activité humaine, inspirée par ce désir, qui serait sans finalité, sans raison d'être, contraire à ce principe nécessaire et évident : « Tout agent agit pour une fin ». Pour entendre la vérité de ce principe, ainsi formulé par Aristote, il suffit de comprendre ses termes : Tout agent quel qu'il soit, conscient ou inconscient, tend à quelque chose de déterminé qui lui convient. Or la fin est précisément le bien déterminé auquel tend l'action d'un agent, ou le mouvement d'un mobile.
Ce principe de soi évident pour qui entend le sens des mots agent et fin, se démontre aussi par l'absurde, car autrement, dit saint Thomas (Ia-IIae q. 1, a. 2) : « il n'y aurait pour l'agent, aucune raison d'agir, plutôt que de ne pas agir, et aucune raison D'AGIR AINSI, plutôt qu'autrement », de désirer ceci plutôt qu'autre chose.
S'il n'y avait pas de finalité naturelle, si tout agent naturel n'agissait pas pour une fin, il n'y aurait aucune raison pour l'œil de voir au lieu d'entendre ou de savourer, pour les ailes de l'oiseau de le faire voler au lieu de le faire marcher ou nager, pour l'intelligence aucune raison de connaître plutôt que de vouloir. Alors tout deviendrait sans raison d'être et serait inintelligible. Il n'y aurait aucune raison pour la pierre de tomber au lieu de monter, aucune raison pour les corps de s'attirer au lieu de se repousser et de se disperser en détruisant toute l'harmonie de l'univers.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 4 Déc - 21:14 | |
| CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
II - Le principe, qui permet de s'élever à Dieu
Le principe de finalité a une nécessité et une valeur absolues, qui ne sont pas moins certaines que celles du principe de causalité efficiente « tout ce qui arrive et tout être contingent exigent une cause efficiente » et en dernière analyse tout ce qui arrive exige une cause efficiente, non causée, qui soit son agir, son action, et donc qui soit son existence même, puisque l'agir suit l'être, et le mode d'agir le mode d'être.
Ces deux principes de causalité efficiente et de finalité sont également certains, d'une certitude non seulement physique, mais métaphysique, avant que nous ayons démontré l'existence de Dieu. Et même l'efficience ne se conçoit pas sans la finalité ; elle serait, nous venons de le voir, sans raison d'être, et donc inintelligible.
III - Le terme de cette ascension
Notre désir naturel du bonheur a donc une finalité; il tend vers un bien. Serait-ce seulement vers un bien irréel, ou vers un bien réel mais inaccessible ? Tout d'abord ce bien, auquel tend notre désir naturel, n'est pas seulement une idée de notre esprit, car comme l'a dit plusieurs fois Aristote, tandis que le vrai est formellement dans l'esprit qui juge, le bien est formellement dans les choses. Lorsque nous désirons la nourriture, il ne suffit pas d'en avoir l'idée; ce n'est pas l'idée du pain qui nourrit, mais le pain lui-même. Et donc le désir naturel de la volonté, fondé non pas sur l'imagination ou l'égarement de la raison, mais sur la nature même et de l'intelligence et de la volonté, tend non pas vers l'idée du bien, mais vers un bien réel; autrement ce n'est plus un désir, et surtout un désir naturel.
On dira peut-être que l'idée universelle de bien nous porte à chercher le bonheur dans la collection ou la succession de tous les biens finis, qui nous attirent : santé, plaisirs du corps, richesses, honneurs, joie de 1a connaissance scientifique, de l'art, de l'amitié. Ceux qui dans une course folle veulent jouir de tous les biens finis soit simultanément, soit du moins successivement, semblent penser un moment que c'est là le vrai bonheur.
Mais l'expérience et la raison nous détrompent. Le vide du cœur subsiste toujours, manifesté par l'ennui; et l'intelligence nous dit que la collection même simultanée de tous ces biens finis et mêlés d'imperfection ne peut pas plus constituer le Bien même, conçu et désiré par nous, qu'une multitude innombrable d'idiots ne saurait valoir un homme de génie.
La quantité ne fait rien à l'affaire ; il s'agit ici de la qualité du bien; même si l'on multipliait à l'infini tous les biens finis, ils ne constitueraient pas le Bien pur, sans mélange, que notre intelligence conçoit, et que par suite notre volonté désire. C'est là la raison profonde de l'ennui qu'éprouvent les mondains, qu'ils traînent sur toutes les plages du monde; ils se portent vers une créature, puis vers une autre, et ainsi de suite, sans qu'ils soient jamais vraiment satisfaits, et véritablement heureux.
Mais alors, si notre intelligence est capable de concevoir le bien universel ou sans limites, notre volonté, éclairée par elle, a aussi une amplitude et une profondeur illimitée, et son désir naturel, qui appelle non pas l'idée du bien, mais un bien réel, peut-il être vain, et chimérique ?
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 5 Déc - 21:16 | |
| CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
III - Le terme de cette ascension
Ce désir naturel, fondé, non pas sur notre imagination, mais sur notre nature, est ferme et immuable comme celle-ci. Il ne peut pas être plus vain que le désir de l'herbivore, que celui du carnivore; il ne peut pas être plus vain, que l'ordination naturelle de l'œil à la vision, de l'ouïe à l'audition, de l'intelligence à la connaissance. Et alors, si ce désir naturel du bonheur ne peut être vain, et s'il ne peut trouver de satisfaction dans aucun bien fini, ni dans la collection des biens finis, il faut dire de toute nécessité qu'il existe un Bien pur, sans mélange, le Bien même ou le Souverain Bien, seul capable de répondre à notre aspiration ; autrement l'amplitude universelle de notre volonté serait une absurdité psychologique, une chose radicalement inintelligible, sans raison d'être.
IV - Ce que n'exige pas notre nature
S'ensuit-il que notre désir naturel du bonheur exige que nous arrivions à la vision immédiate de Dieu, souverain Bien ?
Nullement. Cette vision immédiate de l'essence divine est essentiellement surnaturelle et donc gratuite, nullement due à notre nature, ni à la nature angélique.
En ce sens saint Paul nous dit : « L'œil de l'homme ne peut voir, son oreille ne peut entendre, ni son cœur naturellement désirer les choses que Dieu prépare à ceux qui l'aiment. Mais le Saint-Esprit nous les a révélées, car l'Esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu » I Cor., II, 9.
Mais très au-dessous de la vision immédiate de l'essence divine, et très au-dessous de la foi chrétienne, il y a la connaissance naturelle de Dieu, auteur de la nature, celle que nous donnent les preuves de son existence.
Et si le péché originel n'avait pas affaibli nos forces morales, cette connaissance naturelle de Dieu nous permettrait d'arriver à un amour naturel efficace de Dieu, auteur de la nature, de Dieu, souverain Bien, naturellement connu.
Or dans cette connaissance naturelle, et dans cet amour naturel et efficace de Dieu, l'homme, s'il avait été créé dans un état purement naturel, aurait trouvé le vrai bonheur, non pas la béatitude absolument parfaite, qui est la béatitude surnaturelle ou la vision immédiate de Dieu, mais pourtant un vrai bonheur solide et durable, car cet amour naturel de Dieu, s'il est efficace, oriente vraiment notre vie vers Lui et nous donne en un sens vrai de nous reposer en Lui, du moins dans l'ordre naturel, dans l'ordre de ce qui est dû à notre nature. Il en eût été ainsi, dans un état naturel, pour l'âme immortelle des justes, après l'épreuve de cette vie. L'âme désire naturellement vivre toujours et ce désir naturel ne saurait être vain (cf. S. Thomas, Ia, q. 75, a. 6, c. fin).
Mais gratuitement nous avons reçu beaucoup plus nous avons reçu la grâce, germe de la gloire, et avec elle la foi surnaturelle et l'amour surnaturel de Dieu, auteur non plus seulement de la nature, mais de la grâce.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 6 Déc - 22:01 | |
| CHAPITRE IV DIEU, SOUVERAIN BIEN ET LE DÉSIR DU BONHEUR
IV - Ce que n'exige pas notre nature
Et alors, pour nous chrétiens, la preuve dont nous venons de parler se confirme grandement par le bonheur ou la paix que nous trouvons dès ici-bas dans l'union à Dieu.
Très au-dessus de ce que peut entrevoir la raison philosophique, sans posséder encore la béatitude parfaite, qui est celle du ciel, nous avons trouvé le vrai bonheur, dans la mesure où nous aimons sincèrement, efficacement, généreusement le Souverain Bien par-dessus tout, plus que nous-mêmes et que toute autre créature, dans la mesure où nous ordonnons chaque jour plus profondément toute notre vie vers lui.
Malgré les tristesses parfois accablantes de la vie présente, nous avons trouvé le vrai bonheur ou la paix, du moins au sommet de l'âme, lorsque nous aimons Dieu par-dessus tout, car la paix est la tranquillité de l'ordre, et nous sommes alors unis au principe même de tout ordre et de toute vie.
Notre preuve se confirme ainsi grandement par l'expérience profonde de la vie chrétienne en laquelle se réalise la parole de Notre-Seigneur : « Pacem relinquo vobis, pacem meam do vobis, non quomodo mundus dat, ego do vobis » Jean, XIV, 27.
Le Sauveur nous a donné la paix, non pas par l'accumulation des plaisirs, des richesses, des honneurs, de la gloire, du pouvoir; mais par l'union à Dieu.
Et il nous a tellement donné cette paix solide et durable, qu'il peut nous la conserver et nous la conserve, comme il l'a prédit, au milieu même des persécutions : « Beati pauperes... Beati qui esuriunt et sitiunt iustitiam... Beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam, quoniam ipsorum est regnum coelorum » Matth.,V, 10.
Déjà le royaume des cieux est à eux, en ce sens que, dans l'union à Dieu, ils ont par la charité, la vie éternelle commencée, « inchoatio vitæ æternæ », IIa-IIae, q. 24, a. 3, 2m.
Épicure se vantait de pouvoir par sa doctrine donner le bonheur à ses disciples même dans le taureau de Phalaris, dans le taureau d'airain porté au rouge où l'on mourait carbonisé.
Seul Jésus a pu réaliser pareille chose dans les martyrs en leur donnant la paix et le vrai bonheur par l'union à Dieu au milieu même de leurs tourments.
Dans la mesure où l'on possède cette union à Dieu, la preuve dont nous venons de parler reçoit une très grande confirmation, par l'expérience spirituelle profonde, car Dieu, par le don de sagesse, daigne alors se faire sentir à nous comme la vie de notre vie « Ipse enim Spiritus testimonium reddit spiritui nostro, quod sumus filii Dei » Rom., VIII, 16.
Dieu se fait sentir à nous comme le principe de l'amour filial qu'il nous inspire pour lui.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Sam 7 Déc - 21:20 | |
| CHAPITRE V
DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
Nous avons vu la preuve de l'existence du Souverain Bien, qui se tire de notre désir naturel du bonheur.
Elle revient, disions-nous, à ceci : Un désir naturel, fondé non pas sur l'imagination ou l'égarement de la raison, mais sur notre nature même, commune à tous les hommes, un tel désir naturel ne peut être vain, chimérique, trompeur; c'est-à-dire : il ne peut tendre à un bien irréel ou inaccessible.
Or tout homme désire naturellement être heureux, et le vrai bonheur ne se trouve en aucun bien fini ou limité, car notre intelligence, concevant le bien universel et sans limites, nous le fait naturellement désirer.
Il faut donc qu'il existe un Bien sans limite, Bien pur, sans mélange de non-bien ou d'imperfection ; sans quoi l'amplitude universelle de notre volonté serait une absurdité psychologique, un non-sens absolu.
Comme l'herbivore trouve l'herbe dont il a besoin, et le carnivore la proie nécessaire à sa subsistance, le désir naturel de l'homme ne peut rester vain; le vrai bonheur, naturellement désiré, doit être possible, et c'est seulement dans la connaissance et l'amour du souverain Bien ou de Dieu qu'il peut se trouver. Donc Dieu existe.
Il y a une autre preuve de l'existence de Dieu qui a pour point de départ, non plus notre désir du bonheur, mais l'obligation morale ou l'ordination de notre volonté au bien moral. Cette preuve conduit au Souverain Bien, non plus seulement comme désirable par-dessus tout, mais en tant qu'il a DROIT à être aimé, exige l'amour et fonde le devoir.
I - L'ordination de notre volonté au bien moral
Cette preuve a son point de départ dans la conscience humaine.
Tous, même ceux qui doutent encore de l'existence de Dieu, saisissent au moins d'une façon confuse qu'il faut faire le bien et éviter le mal. Pour voir cette vérité, il suffit d'avoir la notion de bien, et de distinguer, comme le fait le sens commun :
1° le bien sensible ou simplement délectable, 2° le bien utile en vue d'une fin, et 3° le bien honnête ou moral, qui est bien en soi, indépendamment de la jouissance ou de l'utilité qui en dérivent. L'animal se repose dans le bien sensible délectable, et par l'instinct il utilise le bien sensible utile sans en voir la raison d'être dans la fin pour laquelle il l'emploie. L'hirondelle ramasse une paille pour faire son nid, sans savoir que cette paille est utile à son nid.L'homme seul, par sa raison, connaît l'utilité ou la raison d'être du moyen dans la fin.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 8 Déc - 21:17 | |
| CHAPITRE V DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
1 -L'ordination de notre volonté au bien moral
Seul aussi il connaît et peut aimer le bien honnête et entendre cette vérité morale : « il faut faire le bien et éviter le mal ». L'imagination de l'animal pourrait être perfectionnée toujours dans son ordre par le dressage, et jamais elle n'arriverait à saisir cette vérité.
Mais par contre tout homme, si peu cultivé qu'il soit, la saisit dès qu'il arrive à l'âge de raison. Tout homme arrivé au plein usage de la raison, connaît cette distinction des trois genres de bien, sans savoir toujours l'exprimer. Tous voient qu'un fruit savoureux est un bien sensible, délectable, un bien physique qui n'a rien à voir avec le bien moral, et qu'on peut user de ce fruit d'une façon soit moralement bonne soit moralement mauvaise; le délectable de soi n'est donc pas moral. Tous savent de même qu'un remède fort amer est un bien non pas délectable, mais utile, en vue d'une fin, en tant qu'il peut nous rendre la santé. Ainsi l'argent est utile et on peut en user bien ou mal au point de vue moral. C'est une vérité des plus élémentaires du sens commun.
Enfin tout homme arrivé à l'âge de raison voit qu'au-dessus du bien sensible délectable et aussi de l'utile, il y a le bien honnête ou bien rationnel ou bien moral, qui est bien en soi, indépendamment du plaisir ou des avantages, des commodités, qui en résultent. C'est ainsi que la vertu est un bien, par ex. la patience, le courage, la justice. La justice, c'est chose évidente pour tous, n'est pas un bien sensible, mais un bien spirituel, sans doute elle donne la joie à celui qui la pratique, mais elle est bonne indépendamment de cette joie, elle est bonne parce qu'elle est raisonnable, conforme à la droite raison. Nous comprenons que nous devons pratiquer la justice, non pas seulement pour son utilité, pour éviter les inconvénients de l'injustice, mais pour elle-même; si bien que nous devons pratiquer la justice et éviter l'injustice, surtout l'injustice grave, même si la mort devait s'ensuivre.
C'est là une perfection de l'homme, comme homme, c'est-à-dire comme raisonnable, et non pas comme animal. De même il est bien en soi, indépendamment du plaisir qu'on y trouve et des avantages qu'on en retire, de connaître la vérité, de l'aimer par-dessus tout, d'agir en tout selon la droite raison. Et même ce bien honnête, ou bien rationnel, nous apparaît comme la fin nécessaire de notre activité et par suite comme OBLIGATOIRE. Tout homme comprend qu'un être raisonnable DOIT avoir une conduite conforme à la droite raison, comme la droite raison est elle-même conforme aux principes absolus de l'être ou du réel : « ce qui est est, et ne peut pas en même temps être et ne pas être ». Le juste roué de coups par un chenapan prouve l'existence du monde intelligible supérieur au monde sensible lorsqu'il lui crie : Tu es le plus fort, mais ça ne prouve pas que tu aies raison. La justice est la justice.
C'est ainsi que le devoir s'exprime chez tous les peuples par des formules équivalentes : « Fais ce que dois, advienne que pourra ». « Il faut faire le bien et éviter le mal. » Le plaisir et l'intérêt doivent être subordonnés au devoir, le délectable et l'utile à l'honnête. C'est là une vérité éternelle, qui a toujours été vraie et le sera toujours.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 9 Déc - 21:35 | |
| CHAPITRE V DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
1 -L'ordination de notre volonté au bien moral
Quel est le fondement prochain du devoir ou de l'obligation morale ? Comme le montre saint Thomas (Ia-IIae, q. 94, a. 2), c'est le principe de finalité évident pour notre intelligence, d'après lequel tout être agit pour une fin et doit tendre à celle qui lui est proportionnée.
Il suit de là que la volonté de l'être raisonnable DOIT tendre vers le bien honnête ou raisonnable, auquel elle est ordonnée. La faculté de vouloir et d'agir raisonnablement est pour l'acte raisonnable, comme l'œil pour la vision, l'oreille pour l'audition, le pied pour la marche, les ailes de l'oiseau pour le vol, la faculté de connaître pour connaître. La puissance est pour l'acte corrélatif, et si elle ne tend pas vers lui elle perd sa raison d'être; pour elle ce n'est pas seulement mieux de tendre vers son acte, c'est sa loi intime et primordiale.
Une volonté qui est par sa nature même capable de vouloir, non seulement le bien sensible, délectable ou utile, mais le bien honnête ou rationnel, c'est-à-dire une volonté qui est essentiellement ordonnée à ce bien ne peut refuser de le vouloir, sans perdre sa raison d'être. Cette volonté est pour aimer et vouloir le bien rationnel; ce bien DOIT donc être réalisé par elle, par l'homme qui peut le réaliser et qui existe pour le réaliser. C'est là le fondement prochain de l'obligation morale. Mais n'a-t-elle pas un fondement suprême beaucoup plus élevé ?
La voix de la conscience est parfois singulièrement forte lorsqu'elle ordonne d'agir et lorsqu'elle défend d'accomplir certains actes comme un faux témoignage, une trahison, ou encore lorsqu'elle reprend et condamne après une faute grave commise. Le meurtrier n'est-il pas tourmenté par sa conscience après avoir commis un assassinat d'une façon tout à fait secrète ? Les hommes ignorent son crime, mais sa conscience ne cesse de le reprendre, même si ce meurtrier veut douter de l'existence de Dieu.
D'où vient-elle donc cette voix de la conscience ? Est-ce seulement de la logique ? Est-ce seulement de notre raison individuelle ? Mais elle se fait entendre à tous les hommes et à chacun en particulier, elle les domine.
Viendrait-elle de la législation humaine ? Mais cette voix de la conscience est plus haute que la législation humaine, d'un peuple et de tous les peuples, plus haute que la société des nations; c'est elle qui nous dit qu'une loi injuste n'oblige pas en conscience, et les législateurs qui font une mauvaise loi sont repris eux aussi dans le secret de leur âme par la droite raison qui subsiste en eux.
II - L'ordination de notre volonté au bien moral suppose une Intelligence ordonnatrice divine
D'où vient donc cette voix parfois si forte de la conscience ? Ne vient-elle pas de très haut ? Si un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ordonnatrice, qui seule peut connaître dans la fin à obtenir la raison d'être du moyen, qui seule par suite peut constituer le moyen pour la fin; si, comme nous l'avons vu, ch. II, l'ordre de l'univers physique présuppose une intelligence ordonnatrice divine, à combien plus forte raison l'ordination de notre volonté au bien moral la présuppose-t-elle. Il n'y a pas d'ordination passive sans une ordination active correspondante, ici sans celle de l'Auteur de notre nature.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mar 10 Déc - 21:53 | |
| CHAPITRE V DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
II - L'ordination de notre volonté au bien moral suppose une Intelligence ordonnatrice divine
Si l'on remonte aussi d'une façon nécessaire des vérités éternelles spéculatives (comme une même chose ne peut en même temps être et ne pas être) à une vérité suprême, fondement de toutes les autres, pourquoi ne pourrait-on pas s'élever du premier principe de la loi morale : « il faut faire le bien et éviter le mal » à la loi éternelle ?
On part ici des principes pratiques, au lieu de partir des principes spéculatifs; le caractère obligatoire du bien ajoute seulement un nouveau relief à la démonstration; et ce caractère, manifesté déjà par le fondement prochain de l'obligation morale, nous porte à en rechercher le fondement suprême.
Si le bien honnête auquel notre nature raisonnable est ordonnée, doit être voulu indépendamment de la satisfaction ou des avantages qu'on en retire, si l'être capable de le vouloir doit le vouloir, sous peine de perdre sa raison d'être, si notre conscience promulgue ce devoir, et ensuite approuve ou condamne, sans que nous soyons maîtres d'étouffer le remords; si en un mot le droit du bien à être aimé et pratiqué DOMINE notre activité morale et celle des sociétés actuelles et possibles, comme le principe de contradiction domine tout le réel, actuel et possible, il faut qu'il y ait eu de toute éternité de quoi fonder ces droits absolus du bien.
Ces droits de la justice à être pratiquée, qui dominent notre vie individuelle, notre vie familiale, notre vie sociale, notre vie politique, qui dominent aussi la vie internationale des peuples passés, présents et à venir, ces droits nécessaires et dominateurs ne peuvent avoir leur raison d'être dans les réalités contingentes et passagères dominées par eux, pas même dans les biens ou devoirs multiples et subordonnés, qui s'imposent à notre nature d'êtres raisonnables. Supérieurs à tout ce qui n'est pas le Bien même, ces droits ne peuvent avoir qu'en lui leur fondement, leur raison dernière.
Si donc le fondement prochain de l'obligation morale est l'ordre essentiel des choses, plus précisément le bien raisonnable auquel notre nature et notre activité sont essentiellement ordonnées, le fondement suprême en est dans le Souverain Bien, notre fin dernière objective. Et cette obligation morale n'a pu être formellement constituée que par une loi du même ordre que le Souverain Bien, par la Sagesse divine dont la loi éternelle ordonne et dirige toutes les créatures vers leur fin. L'ordre des agents correspond à l'ordre des fins. L'ordination passive de notre volonté au bien suppose une ordination active de Celui qui l'a créée pour le bien.
En d'autres termes la volonté de l'être raisonnable doit tendre vers le bien honnête ou rationnel, parce que ce bien est la fin pour laquelle elle a été faite par une cause efficiente supérieure qui avait elle-même en vue ce bien à réaliser.
C'est pourquoi, aux yeux du sens commun ou de la raison naturelle le devoir est en fin de compte fondé sur l'Être, l'intelligence et la volonté de Dieu qui nous a créés pour le connaître, l'aimer, le servir, et par ce moyen obtenir la béatitude éternelle. Aussi le sens commun respecte le devoir et tient pour légitime la recherche du bonheur. Il rejette à la fois la morale utilitaire, et la morale Kantienne du pur devoir, sans bien objectif. Celle-ci lui apparaît comme une terre sans, soleil, aride et stérile.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 11 Déc - 22:36 | |
| CHAPITRE V DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
II - L'ordination de notre volonté au bien moral suppose une Intelligence ordonnatrice divine
On objecte parfois à cette démonstration de l'existence de Dieu, qu'elle implique une pétition de principe ou contient un cercle vicieux.
Il n'y a pas, dit-on, d'obligation morale proprement dite sans un législateur suprême, et il est impossible de se sentir soumis à une obligation morale catégorique, si l'on ne connaît pas déjà l'existence du suprême législateur. La preuve proposée suppose donc ce qu'elle entend démontrer; elle manifeste tout au plus d'une façon plus explicite ce qu'elle suppose admis implicitement.
A cela on peut et l'on doit répondre: Il suffit de manifester d'abord l'ordination passive de notre volonté au bien moral, pour prouver ensuite qu'il doit y avoir une cause première qui l'a ainsi ordonnée au bien, car il n'y a pas d'ordination passive sans une ordination active.
Ainsi l'ordre du monde, avons-nous dit, suppose une intelligence ordonnatrice suprême, et les vérités éternelles, qui dominent toute réalité contingente et toute intelligence finie, requièrent elles aussi un fondement éternel.
De plus on peut partir non seulement de l'ordination passive de notre volonté au bien moral, mais de l'obligation morale manifestée par ses effets, par exemple par le remords chez le meurtrier. D'où vient cette voix terrible du remords que nul criminel ne peut faire taire au fond de lui-même ?
La raison droite en nous commande de faire le bien raisonnable auquel notre nature est ordonnée, mais elle ne commande pas comme une cause première éternelle, car en chacun de nous, elle commence à commander, puis elle s'endort, elle se réveille, elle a bien des imperfections et des limites, elle-même est ordonnée, elle n'est pas le principe de tout ordre.
Il faut donc s'élever plus haut jusqu'à la Sagesse divine qui ordonne tout au Bien suprême.
Là seulement nous avons le fondement suprême de l'obligation morale ou du devoir. Il n'y a pas là de cercle vicieux, nous nous élevons du remords senti ou au contraire de la paix de l'âme, à la conscience qui les explique en désapprouvant ou en approuvant, et nous cherchons l'origine de cette voix de la conscience, l'origine première n'est pas en notre raison imparfaite, qui a commencé à commander; notre raison ne commande que comme une cause seconde, laquelle suppose une cause première éternelle, simple et parfaite: la Sagesse même qui ordonne tout au Bien.
Dès lors le Souverain Bien nous apparaît non plus seulement comme le premier désirable, seul capable de nous donner le vrai bonheur si nous l'aimons par-dessus tout ; mais il nous apparaît aussi comme le Souverain Bien qui doit être aimé par-dessus tout, qui exige l'amour et fonde le devoir.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 12 Déc - 22:03 | |
| CHAPITRE V DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
II - L'ordination de notre volonté au bien moral suppose une Intelligence ordonnatrice divine
Et nous voyons par là même que si l'on nie le premier devoir à l'égard de Dieu, fin dernière de l'homme, tous les autres devoirs sont privés de leur fondement suprême. Si l'on nie que nous soyons moralement obligés d'aimer par-dessus tout le bien, comme tel, et le souverain Bien qui est Dieu, comment peut-on prouver que nous sommes obligés d'aimer le bien beaucoup moins attirant de l'humanité en général, dont s'occupe la Société des nations ? Comment prouver alors que nous devons aimer notre patrie, notre famille, plus que notre vie ? Comment alors prouver aussi que nous sommes obligés de conserver notre propre existence et éviter le suicide, malgré les grandes tristesses qui peuvent nous accabler ? Si le Souverain Bien n'a pas un droit imprescriptible à être aimé par-dessus tout, à plus forte raison les biens inférieurs n'ont pas ce droit. S'il n'y a pas de fin dernière qui s'impose moralement à nous, aucune fin et aucun moyen ne s'imposent plus moralement. S'il n'y a pas un législateur suprême qui fonde l'obligation morale, toute loi humaine est destituée de son fondement supérieur.
Telle est la preuve de l'existence de Dieu, Législateur suprême et souverain Bien, qui fonde le devoir. Telle est la source éminente d'où descend la voix impérieuse de la conscience, cette voix qui tourmente le criminel après son crime, et qui donne au juste la paix du devoir accompli, lorsqu'il a fait ce qu'il pouvait faire.
La sanction morale
Pour finir nous dirons quelques mots d'une autre preuve de l'existence de Dieu, qui a un rapport intime avec celle-ci. C'est la preuve par la sanction morale. La vue des actes héroïques non récompensés ici-bas, et aussi celle des crimes non punis, nous montre la nécessité d'un souverain juge, rémunérateur et vengeur. L'existence du souverain juge et d'une sanction éternelle peut s'établir par l'insuffisance de toutes les autres sanctions. Kant lui-même a voulu conserver une certaine force à cet argument, qui est plus fort en soi qu'il ne le dit. Il revient à ceci : Le juste, de par sa vertu persévérante, mérite le bonheur, puisqu'il a persévéré dans le bien. Or Dieu seul peut réaliser l'harmonie de la vertu et du bonheur dans une autre vie meilleure. Donc Dieu et cette autre vie doivent exister. Plus la vie morale d'un homme est grande, plus ferme et plus vive est la conviction que lui donne cette preuve. En réalité elle est une confirmation de la précédente, qu'elle suppose. Si en effet la voix de la conscience vient du Législateur suprême, Celui-ci doit être aussi souverain juge, rémunérateur et vengeur. Parce qu'Il est intelligent et bon, Il se doit à lui-même de donner à chaque être ce qui lui est nécessaire pour atteindre la fin à laquelle Il l'a ordonné, et donc Il se doit de donner aux justes la connaissance de la vérité et la béatitude qu'ils méritent. (Cf. Saint Thomas, Ia, q. 21, 1.) Et, par ailleurs, comme le Législateur suprême aime nécessairement le Bien par-dessus tout, II se doit aussi d'en faire respecter les droits absolus et d'en réprimer la violation. (Ia-IIae, q. 87, a. 1 et 3.) En d'autres termes, s'il y a de l'ordre dans le monde physique, et si cet ordre exige une intelligence ordonnatrice, à plus forte raison doit-il y avoir de l'ordre dans le monde moral, qui lui est infiniment supérieur.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 13 Déc - 21:53 | |
| CHAPITRE V DIEU, FONDEMENT SUPRÊME DU DEVOIR
La sanction morale
Par là il y a une réponse aux plaintes du juste opprimé et injustement condamné par les hommes. Combien de fois les méchants ou les médiocres triomphent sur la terre, tandis que les âmes les plus droites et les plus hautes, comme une Jeanne d'Arc, sont parfois condamnées. Bien plus Barabbas a été préféré à Jésus, Barabbas a été délivré, et Jésus crucifié. L'injustice, surtout lorsqu'elle est aussi flagrante, ne saurait avoir le dernier mot; il y a une Justice supérieure, dont la voix se fait entendre en notre conscience, et qui doit un jour tout remettre dans l'Ordre. Alors se manifesteront les deux aspects du Souverain Bien, qui a droit à être aimé par-dessus tout (c'est le principe de la Justice), et qui est essentiellement diffusif de lui-même (c'est le principe de la Miséricorde).
Telles sont ces preuves morales de l'existence de Dieu; de nature à convaincre toute âme qui ne cherche pas à étouffer en elle la voix de la conscience, et qui arrive alors sans difficulté à voir quelle est l'origine supérieure de cette voix, qui nous porte au Bien, parce qu'elle vient de Celui qui est le Bien même.
CHAPITRE VI - DE LA NATURE DE DIEU
« Je suis Celui qui suis » Exod., III, 14.
Les preuves classiques de l'existence de Dieu, telles que les expose saint Thomas, montrent, nous l'avons vu, qu'il existe un Premier moteur des esprits et des corps, une cause première des êtres qui arrivent à l'existence, un Être nécessaire dont dépendent les êtres contingents et périssables, un Être suprême, Vérité première et Souverain Bien, une Intelligence ordonnatrice cause de l'ordre de l'univers et qui mérite le nom de Providence. Ces cinq attributs : Premier moteur, Cause première, etc., sont ceux par lesquels nous concevons Dieu. Nous avons ainsi établi son existence. Il nous faut maintenant dire ce qu'il est, en d'autres termes qu'est-ce qui constitue formellement sa nature. Nous ne saurions nous faire autrement une juste idée de la Providence.
Le problème Certes ici-bas nous ne pouvons connaître l'essence divine telle qu'elle est en soi; pour cela il faudrait la voir immédiatement, comme la voient au ciel les bienheureux. Ici-bas nous ne connaissons Dieu que par le reflet de ses perfections dans le miroir des choses créées ; et ces choses, étant très inférieures à lui, ne nous permettent pas de le connaître tel qu'il est en soi. Ainsi que le disait Platon dans l'allégorie de la caverne, nous sommes un peu à l'égard de Dieu, comme des hommes qui n'auraient jamais vu le soleil, mais seulement le reflet de ses rayons dans les choses qu'il éclaire, ou comme des hommes qui n'auraient jamais vu la lumière blanche, mais seulement les sept couleurs de l'arc-en-ciel: violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange et rouge. Ces hommes ne pourraient se faire un concept propre de la lumière blanche, ils ne pourraient la concevoir que négativement et relativement comme un foyer lumineux inaccessible. De même nous ne pouvons nous faire un concept propre et positif de la nature divine, par les créatures qui nous montrent seulement à l'état de multiplicité et de division les perfections qui forment en Dieu une unité absolument simple.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 15 Déc - 8:22 | |
| CHAPITRE VI DE LA NATURE DE DIEU
Le problème
Nous ne pouvons donc pas connaître ici-bas la nature divine telle qu'elle est en soi. Si nous la voyions, nous verrions comment en elle toutes les perfections divines: être infini, sagesse, amour, justice et miséricorde, s'identifient réellement sans se détruire. Nous en sommes réduits à épeler, à énumérer les unes après les autres ces divines perfections, en ajoutant qu'elles s'identifient dans une simplicité éminente, dans l'unité supérieure de la Déité ou Divinité; mais la Déité ou l'essence même de Dieu (ce qui fait que Dieu est Dieu), nous ne la voyons pas et ne pourrons la voir qu'au ciel. C'est un peu comme si nous voyions les côtés d'une pyramide dont le sommet resterait absolument invisible.
Cependant, sans connaître la nature divine telle qu'elle est en soi, ne pouvons-nous pas, selon notre manière imparfaite de connaître, déterminer ce qui la constitue formellement ? En d'autres termes, parmi les perfections que nous attribuons à Dieu, n'y en a-t-il pas une qui soit primordiale, et comme la source de tous les attributs divins, en même temps que le principe de la distinction de Dieu et du monde ?
N'y a-t-il pas en Dieu une perfection radicale, qui soit en lui ce qu'est la rationabilité chez l'homme ? L'homme se définit un être raisonnable; c'est ce qui le distingue des êtres inférieurs à lui et c'est ce qui est le principe des propriétés de l'homme : c'est parce qu'il est raisonnable, qu'il est libre, qu'il est moralement responsable de ses actes, qu'il est sociable, qu'il est religieux, qu'il a la faculté de parler, celle de sourire avec intelligence ; autant de propriétés qui n'existent point chez l'animal. Comme on déduit les propriétés du triangle ou celles du cercle, on déduit celles de l'homme.
Y a-t-il aussi en Dieu une perfection radicale, qui permette de le définir, selon notre manière imparfaite de connaître, un peu comme nous définissons l'homme, ou encore comme nous définissons le cercle ou la pyramide. En d'autres termes n'y a-t-il pas un ordre dans les perfections divines, qui permette de les déduire d'une perfection première. Telle est la position du problème.
Les différentes solutions
La question ainsi posée a reçu plusieurs solutions. Partons des plus inférieures pour nous élever par degrés à la plus haute.
1° Les uns, appelés nominalistes, ont dit : il n'y a pas en Dieu une Perfection primordiale, d'où l'on puisse logiquement déduire les autres. L'essence divine n'est, pour eux, que la collection de toutes les perfections, et il n'y a pas à chercher d'ordre logique parmi elles, ce sont seulement des noms divers d'une même réalité supérieure.
Cette opinion nominaliste conduit à dire que Dieu est inconnaissable, puisqu'on ne pourrait déduire ses attributs d'une perfection divine fondamentale. On ne pourrait dire pour quelle raison il est sage, juste, miséricordieux. On l'affirmerait sans savoir pourquoi.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 15 Déc - 21:51 | |
| CHAPITRE VI DE LA NATURE DE DIEU
Les différentes solutions
2° D'autres, s'inspirant de Descartes, ont dit que ce qui constitue formellement la nature divine, c'est la liberté. Dieu serait avant tout une volonté souverainement libre. Descartes prétendait que, si Dieu le voulait, il ferait des cercles-carrés, des montagnes sans vallées, des êtres qui en même temps existeraient et n'existeraient pas, des effets sans cause; et Ockam, au moyen âge, a prétendu que si Dieu l'avait voulu, il aurait pu nous commander non pas de nous aimer, mais de nous haïr, et non pas de l'aimer lui-même; mais de le haïr. En d'autres termes la vérité du principe de contradiction, et la distinction du bien et du mal moral dépendraient du libre arbitre de Dieu. Dieu serait avant tout et par-dessus tout liberté absolue.
Des philosophes modernes, comme Secrétan en Suisse, ont dit : la définition de Dieu est : Je suis ce que je veux. Je suis ce que librement je veux être.
On a répondu à cela : il est impossible de concevoir la liberté antérieure à l'intelligence. Une liberté sans intelligence est impossible, elle se confondrait avec le hasard. La liberté ne se conçoit pas sans l'intelligence qui la dirige, ce serait une liberté sans règle aucune, sans vérité, sans vraie bonté.
Dire que Dieu aurait pu, s'il l'avait voulu, nous commander de le haïr, c'est dire, remarquait Leibnitz, qu'il n'est pas nécessairement le souverain Bien, et qu'il pourrait être, s'il l'avait voulu, le principe du mal admis par les manichéens. II faudrait être absolument insensé pour le soutenir. C'est « déshonorer Dieu », dit encore Leibnitz, que de soutenir qu'il a établi la distinction du bien et du mal par un décret purement arbitraire, et de prétendre qu'il est une absolue Liberté, sans règle aucune.
Il est clair que la liberté ne se conçoit pas sans l'intelligence et la sagesse qui la dirige, tandis que l'intelligence se conçoit antérieurement à la liberté qu'elle dirige.
La connaissance du vrai et même du vrai bien est antérieure à l'amour de ce bien, qui ne serait pas aimé, s'il n'était pas connu. L'intelligence est donc première, et la liberté est dérivée.
3° Faut-il dire alors que ce qui constitue formellement la nature divine c'est l'intelligence, ou la Pensée toujours actuelle, la connaissance éternelle du Vrai en sa plénitude ? Certainement c'est là une perfection divine, mais est-ce la perfection radicale ?
Plusieurs philosophes et plusieurs théologiens l'ont pensé. Ils conçoivent surtout Dieu, comme un Pur éclair intellectuel éternellement subsistant. On voit parfois pendant l'orage, la nuit, un éclair immense d'une extrémité du ciel à l'autre ; ce serait comme une image fort lointaine de Dieu. On parle aussi des éclairs du génie, qui découvre les grandes lois de la nature, comme un Newton, éclairs passagers, fort restreints qui manifestent une vérité partielle, comme la loi de la gravitation universelle. Dieu est un pur éclair intellectuel éternellement subsistant, qui contient la Vérité infinie et la vue de tous les mondes actuels et possibles et de leurs lois.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 16 Déc - 21:47 | |
| CHAPITRE VI DE LA NATURE DE DIEU
Les différentes solutions
3° Dieu est certainement la Pensée même éternellement subsistante, et la Vérité même toujours connue. Pourquoi ? parce que la forme supérieure de la vie, au-dessus de la vie végétative des plantes, et de la vie sensitive des animaux, c'est la vie intellectuelle, et parce que l'intelligence est antérieure à la volonté et à la liberté qu'elle dirige, en leur montrant le bien à vouloir et à aimer.
Tout cela est vrai, mais la Pensée ou l'intellection subsistante est-elle en Dieu la perfection absolument première ? Si haute que soit cette manière de concevoir la nature divine, elle ne paraît pas être la plus élevée.
La Sainte Écriture nous en donne une qui est supérieure. Elle nous dit que Dieu est l'Être même, et c'est Lui qui nous a révélé son nom : Celui qui est.
Dieu est l'Être même, éternellement subsistant
Dans la Sainte Écriture, au livre de l'Exode, c. III, 14, il est rapporté, que Dieu, parlant à Moïse, du milieu du buisson ardent, lui a dit quel était son nom. Or il n'a pas dit : « Je suis l'absolue Liberté, je suis ce que je veux ». Il n'a pas dit non plus: « Je suis l'Intelligence même, la Pensée même éternellement-subsistante ». Il a dit : « Je suis Celui qui est » ou l'Être même éternellement subsistant.
Rappelons-nous ce passage de l'Exode, III, 14 : « Quand j'irai, dit Moïse, vers les enfants d'Israël et que je leur dirai : Le Dieu de vos Pères m'envoie vers vous, s'ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ? » et Dieu dit à Moïse : « Je suis Celui qui suis ». C'est ainsi, ajouta-t-il, que tu répondras aux enfants d'Israël : « Celui qui est m'envoie vers vous ». Celui qui est, en hébreu Yahvéh, dont on a fait Jéhovah. « C'est là mon nom pour l'éternité, c'est là mon souvenir de génération en génération. » Ibid., V, 15.
On lit de même dans le dernier livre du Nouveau Testament, dans l'Apocalypse I, 4 et 8 : « Je suis l'alpha et l'oméga, dit le Seigneur, Celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant ».
Ainsi Dieu s'est souvent révélé à ses saints, comme par exemple à sainte Catherine de Sienne : « Je suis Celui qui est, tu es celle qui n'est pas ».
Et donc Dieu n'est pas seulement esprit pur, il est l'Être même qui subsiste immatériel au sommet de tout, au-delà de toutes les limites que peuvent imposer l'espace, la matière, ou une essence spirituelle finie.
L'Être même subsistant n'est-ce pas là ce qui constitue formellement la nature divine, selon notre manière imparfaite de connaître ?
Il semble facile de l'établir. En effet : ce qui constitue formellement la nature divine, c'est ce que nous concevons en Dieu comme la perfection primordiale qui le distingue des créatures, et d'où se déduisent les attributs.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mar 17 Déc - 21:46 | |
| CHAPITRE VI DE LA NATURE DE DIEU
Dieu est l'Être même, éternellement subsistant
Or c'est parce que Dieu est l'Être même subsistant, l'océan infini de l'être spirituel, non limité, et non matérialisé, qu'il se distingue de toute créature spirituelle ou corporelle. Seule l'essence divine est l'existence même, seule elle existe nécessairement; aucune créature n'existe par soi, aucune ne peut dire : je suis l'être, la vérité et la vie.
Seul parmi les hommes Jésus a dit : « Je suis la Vérité et la Vie » et c'était dire : Je suis Dieu.
C'est à ce sommet, à l'Être même subsistant, qu'aboutissent les cinq preuves de l'existence de Dieu exposées par saint Thomas : Le Premier moteur, la Cause première, l'Être nécessaire, l'Être suprême, l'Intelligence ordonnatrice de l'univers, doivent être l'Être même subsistant dans son immatérialité au sommet de tout.
Et c'est de ce point culminant que se déduisent ensuite tous les attributs divins, comme on déduit les propriétés de l'homme de sa rationabilité.
L'Être même subsistant dans son immatérialité au sommet de tout, doit en effet, nous le verrons mieux dans la suite, être absolument un et simple, être la Vérité même toujours connue, le Bien même toujours aimé. Il doit être, à raison de son immatérialité, l'Intelligence, la Pensée même éternellement subsistante, la Sagesse même et aussi la Volonté, l'Amour subsistant, par suite la Justice et la Miséricorde.
Nous voyons aussi que la Justice et la Miséricorde supposent l'amour du bien ; que l'amour suppose l'intelligence qui l'éclaire, et que l'intelligence suppose l'être intelligent et l'être intelligible qu'elle contemple.
Il reste donc bien que de tous les noms de Dieu, celui qui lui convient tout d'abord et le plus en propre est Celui qui est, Yahvéh. C'est son nom par excellence, dit saint Thomas, Ia, q. 13, a. 11, pour trois raisons :
1° Parce qu'il exprime non pas une forme de l'être, une essence spéciale, mais l'être même, et Dieu seul est l'Être même, Dieu seul existe par soi.
2° C'est le nom le plus universel, qui renferme l'être tout entier et toutes ses perfections, comme l'océan sans bornes ni rivages de la substance spirituelle, omnisciente, et toute-puissante.
3° Ce nom Celui qui est signifie non seulement l'être, mais l'être toujours présent, pour qui il n'y a ni passé, ni futur.
Voilà ce qui constitue formellement la nature divine selon notre manière imparfaite de connaître, manière qui consiste à déduire de là les attributs divins, et à les énumérer les uns après les autres: unité, sagesse, amour, justice, Miséricorde..., sans parvenir à voir comment ils se fondent et s'identifient dans la vie intime de Dieu ou dans la Déité.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 18 Déc - 21:10 | |
| CHAPITRE VI DE LA NATURE DE DIEU
La Déité
Quant à la nature divine, à la Déité, telle qu'elle est en soi, nous ne pouvons ici-bas la connaître, il faudrait la voir immédiatement, sans l'intermédiaire d'aucune créature et d'aucune idée créée, comme la voient dans la patrie les bienheureux. Au ciel seulement nous verrons comment la Sagesse et le bon plaisir divin le plus libre s'identifient, comment ce bon plaisir, si libre soit-il, n'est nullement un caprice, puisqu'il est tout pénétré de sagesse.
Alors seulement nous verrons comment la justice infinie et l'infinie Miséricorde s'identifient, dans l'amour du souverain Bien, qui à la fois a droit à être aimé par-dessus tout et qui tend à se communiquer pour nous rendre heureux. La Déité, telle qu'elle est en soi, reste pour nous cachée, profondément mystérieuse, les mystiques l'ont même appelée la grande ténèbre, ténèbre translumineuse qui est « la lumière inaccessible » dont parle l'Écriture.
Mais si nous ne pouvons pas connaître la Déité telle qu'elle est en soi, nous en avons reçu une participation dans la grâce sanctifiante, qui est vraiment une participation de la nature divine, telle qu'elle est en soi[10], et qui nous dispose dès maintenant à voir Dieu un jour comme il se voit et à l'aimer comme il s'aime. Et c'est ce qui nous montre le prix de la grâce sanctifiante, très supérieure à la vie naturelle de notre intelligence, et même à la vie naturelle de l'intelligence angélique. C'est ce qui fait dire à saint Thomas : « le moindre degré de grâce sanctifiante, qui se trouve dans l'âme d'un petit baptisé, vaut plus que tout l'univers, vaut plus que toutes les natures créées corporelles et spirituelles prises ensemble » Ia-IIae q. 113, a. 9, ad 2. « Bonum gratiæ unius majus est quam bonum naturæ totius universi ».
C'est ce que Pascal a admirablement exprimé, dans une des plus belles pages de ses Pensées : « Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits; car il connaît tout cela et soi; et les corps, rien. Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité; cela est d'un ordre infiniment plus élevé. - De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée: cela est impossible et d'un autre ordre.
De tous les corps et de tous les esprits, on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité: cela est impossible et d'un autre ordre, surnaturel... Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles (intellectuelles), où elles n'ont nul rapport ; car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps, ni des esprits curieux : Dieu leur suffit ». C'est le prix de la vie cachée.
La sainteté, voilà ici-bas, ce qui nous révèle le mieux, dans l'obscurité de la foi, ce qu'est la vie intime de Dieu, ce qu'est la Déité, car la sainteté, ou la perfection de la vie de la grâce, est précisément une participation réelle et vivante de cette vie intime de Dieu, qu'elle nous dispose à voir un jour. D'où la parole du Ps. 67, 36 : « Mirabilis Deus in sanctis suis - Dieu est admirable dans ses saints ».
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 19 Déc - 21:51 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
Ce qui constitue formellement la nature de Dieu, selon notre manière imparfaite de connaître, c'est, avons-nous dit, l'Être même subsistant, car, c'est ce par quoi Dieu se distingue de toute créature, et c'est le principe d'où se peuvent déduire tous ses attributs, comme les propriétés de l'homme se déduisent de ce qu'il est un être raisonnable. Il nous faut considérer maintenant, pour avoir une juste idée de la Providence, les perfections divines qu'elle suppose. La vraie notion de Providence est comme une résultante de la contemplation prolongée de ces perfections. Peu à peu la mise au point se fait dans notre intelligence.
On distingue les attributs relatifs à l'être même de Dieu, comme la simplicité, l'infinité, l'éternité, l'incompréhensibilité, et ceux relatifs aux opérations divines, la Sagesse et la Providence pour l'intelligence, et pour la volonté, l'Amour et ses deux grandes vertus : la Miséricorde et la Justice, enfin la Toute-Puissance.
Chacun de ces attributs est une perfection absolue, qui n'implique aucune imperfection, et qui se déduit de ce que nous concevons comme le constitutif formel de la nature divine[11]. Notre-Seigneur nous a dit : « Soyez parfaits comme le Père céleste est parfait » non pas seulement comme les anges, mais comme le Père céleste est parfait, car nous avons reçu la grâce sanctifiante qui doit grandir en nous et qui est une participation, non pas de la nature angélique, mais de la nature même de Dieu.
Il convient donc de contempler souvent dans la prière, par exemple en méditant très lentement le Pater, les perfections infinies de Dieu, dont une participation doit se retrouver, chaque jour un peu plus, dans notre vie. Nous parlerons d'abord de la simplicité de Dieu, qui est profondément marquée dans les voies de la Providence.
La simplicité divine et ses reflets.
Qu'est-ce que la simplicité en général ? C'est ce qui s'oppose à la composition, à la complexité, à la complication, comme l'unité est l'indivision de l'être. Ce qui est simple s'oppose à ce qui est composé de différentes parties, et par suite à ce qui est compliqué, maniéré, entaché d'affectation. Au point de vue moral, la simplicité ou la droiture s'oppose à la duplicité.
Nous disons que le regard de l'enfant est simple, parce qu'il va droit au but, sans arrière-pensée; et ne tend pas vers des choses différentes; lorsque l'enfant dit une chose, il ne pense pas à une autre, lorsqu'il affirme ceci, il ne le nie pas en même temps. Il n'est pas double ou de mauvaise foi. NotreSeigneur nous dit : « si ton œil est simple, tout ton corps sera éclairé », c'est-à-dire : si notre intention est droite et simple, toute notre vie sera une, vraie, lumineuse, au lieu d'être divisée, comme celle de ceux qui cherchent à servir deux maîtres à la fois: Dieu et l'argent. Et devant toutes les complexités, les faux semblants, les complications plus ou moins mensongères du monde, nous pressentons que la vertu morale de simplicité ou de franchise et de loyauté est un reflet d'une perfection divine. Comme le dit saint Thomas : « Simplicitas facit intentionem rectam excludendo duplicitatem », IIa-IIae, q. 109, 2, 4m.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Sam 21 Déc - 7:02 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
Mais qu'est-ce donc que la simplicité divine ? C'est l'absence de toute composition d'éléments divers, l'absence de toute division.
1° On ne peut tout d'abord distinguer en Dieu des parties quantitatives, comme dans un corps. Dans tout corps il y a des parties étendues, les unes à côté des autres, que ce soient des parties semblables comme dans un diamant, ou des parties différentes comme les membres et les organes d'un Corps vivant, les yeux, les oreilles, etc.
Dieu, par opposition, a la simplicité du pur esprit, incomparablement supérieure à celle du diamant le plus pur, et à l'unité de l'organisme le plus parfait. En Dieu on ne peut distinguer deux parties comme l'âme et le corps, la première vivifiant la seconde; la seconde serait par là même moins parfaite; elle ne serait pas la vie, mais y participerait ; elle ne serait pas le principe de l'ordre, mais elle serait ordonnée. Il ne peut y avoir en Dieu rien d'imparfait, ni aucune composition. Tout composé demande une cause, qui en ait réuni les éléments, et Dieu est la cause suprême non causée, il est donc absolument simple.
2° Dieu a même une simplicité très supérieure à celle de l'ange; l'ange est pur esprit sans doute, mais son essence n'existe pas par elle-même, elle est seulement susceptible d'exister, capable d'exister, elle n'est pas l'existence même. L'ange est un composé d'essence finie et d'existence limitée; tandis que Dieu, nous l'avons vu, est l'Être même subsistant, purement immatériel.
Enfin l'ange ne peut connaître que par une faculté intellectuelle, il ne peut vouloir que par une autre faculté, la volonté. Ces deux facultés et leurs actes successifs de penser et de vouloir, sont des accidents, distincts de la substance de l'ange; sa substance reste la même, tandis que ses pensées se succèdent. En Dieu au contraire il ne saurait y avoir cette composition de substance et d'accidents, car la substance divine est déjà la plénitude de l'être et aussi la plénitude de la vérité toujours connue, et du bien toujours aimé. Il n'y a pas en Dieu des pensées qui succèdent à d'autres pensées, mais une pensée toujours la même qui subsiste et embrasse toute vérité. Il n'y a pas en Dieu des vouloirs qui succèdent à d'autres vouloirs, mais un vouloir toujours le même, qui subsiste et se porte sur tout ce que Dieu veut.
Et donc la simplicité divine, ou l'unité divine est l'absence de toute composition et de toute division, dans l'être, dans la pensée, dans le vouloir.
3° La simplicité de son intelligence est celle d'un très pur regard, qui sans aucun mélange d'erreur ou d'ignorance porte d'en-haut sur toute vérité connaissable, sans changer jamais.
La simplicité de sa volonté ou de son intention est celle d'une intention souverainement pure, qui ordonne admirablement toutes choses, et qui ne permet le mal que pour un plus grand bien.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 22 Déc - 7:24 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
Mais ce qu'il y a de plus beau en cette simplicité de Dieu, c'est qu'elle unit en soi les perfections en apparence les plus opposées, l'immutabilité absolue et l'absolue liberté, la sagesse infinie et le bon plaisir le plus libre, qui nous parait parfois arbitraire, ou encore l'infinie justice, inexorable pour le péché sans repentance, et l'infinie Miséricorde.
Toutes ces perfections infinies sont fondues, identifiées, sans se détruire, dans la simplicité de Dieu. C'est en cela surtout que consiste l'éminence et la splendeur de cet attribut de Dieu.
C'est cette simplicité si haute dont nous trouvons un reflet dans la simplicité du regard de l'enfant, plus encore dans la simplicité du regard d'un saint, au-dessus de toutes les complexités si souvent mensongères du monde, et de toute duplicité.
Redescendons maintenant vers les créatures. Combien cette simplicité de Dieu, qui a son reflet dans la sainteté, est différente de la prétendue simplicité, qui consiste à dire tout ce qui nous passe par la tête et par le cœur, au risque de nous contredire du jour au lendemain, lorsque les impressions auront changé, lorsque les personnes avec lesquelles on vit auront cessé de plaire.
Cette prétendue simplicité est l'instabilité même et la contradiction, par suite la complication et le mensonge plus ou moins conscient, tandis que la simplicité de Dieu est l'unité immuable, celle de la sagesse suprême qui ne change pas et d'un amour du bien très pur et très fort, toujours le même, à l'infini au-dessus de notre impressionnabilité et de nos opinions successives.
Cette simplicité de Dieu, nous l'entrevoyons en pensant à l'âme simplifiée, qui arrive à juger de tout avec sagesse à la lumière divine et à ne vouloir les choses que pour Dieu.
Au contraire l'âme compliquée est celle qui juge de tout selon les impressions variables de sa sensibilité et qui veut les choses par égoïsme selon la variété de ses caprices, dans lesquels parfois elle s'obstine ou qui au contraire changent avec l'humeur, le temps et les circonstances.
Et tandis que l'âme compliquée se trouble pour un rien ; l'âme simplifiée par sa sagesse et son amour désintéressé, garde la paix. Le don de sagesse donne la paix, ou la tranquillité de l'ordre, l'unité, l'harmonie de la vie simplifiée, unie à Dieu.
L'âme d'un saint Joseph, d'un saint Jean, d'un saint François, d'un saint Dominique, d'un curé d'Ars donnent une idée de la simplicité de Dieu; plus encore l'âme de Marie, et beaucoup plus la sainte âme de Jésus, lorsqu'il disait : « Si votre œil est simple tout votre corps sera éclairé »... c'est-à-dire si le regard de votre âme est simple, elle sera toute lumineuse, vraie, loyale, sincère, sans duplicité. - « Soyez prudents comme le serpent (pour n'être pas séduits par le monde), mais simples comme la colombe » pour rester dans la vérité de Dieu. - « Je te rends grâces, ô Père, de ce que tu as caché ces choses aux prudents et aux sages, et de ce que tu les a révélées aux petits ». - « Que votre langage soit ainsi : Cela est, cela n'est pas ». (Matth., V, 37.)
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Dim 22 Déc - 21:16 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
Déjà l'ancien Testament disait : « Cherchez le Seigneur dans la simplicité du cœur » Sap., I, 1. - « Mieux vaut le pauvre qui marche dans sa simplicité, que le riche qui va par des voies tortueuses » Prov., 19, 1. - « Mourons dans la simplicité de notre cœur, » dirent les Maccabées (I, c. II, 37), sous l'injustice qui les frappait. « Obéissez, disait saint Paul, dans la simplicité de votre cœur » Col., III, 22. « Ne perdez pas votre simplicité à l'égard du Christ. » II Cor., XI, 3.
C'est cette simplicité, dit Bossuet, qui permet aux âmes limpides, d'entrer dans les hauteurs de Dieu, dans les voies de la Providence, dans les mystères insondables, dont les âmes compliquées se scandalisent, dans les mystères de l'infinie justice, de l'infinie Miséricorde, et de la souveraine Liberté du bon plaisir divin. Tous ces mystères, dans leur élévation, sont simples pour les simples, malgré leur obscurité.
La raison en est que, dans les choses divines, les plus simples, comme le Pater, sont aussi les plus hautes et les plus profondes. Au contraire dans les choses de ce monde, qui contiennent du bien et du mal intimement mêlés et sont pour cela très complexes, celui qui veut être simple, manque de pénétration, reste naïf, ingénu et superficiel. Dans les choses divines, la simplicité s'unit à la profondeur et à l'élévation, car les choses divines les plus élevées en Dieu et les plus profondes en notre cœur sont la simplicité même.
L'image parfaite de la simplicité de Dieu
L'image la plus pure et la plus haute qui nous ait été donnée de la simplicité divine est la sainteté de Jésus, qui contient comme fondues ensemble les vertus en apparence les plus opposées.
Rappelons-nous sa simplicité à l'égard de ses adversaires, à l'égard de son Père, à l'égard des âmes.
Il peut dire aux pharisiens qui cherchent à le tuer, et dire sans que personne le contredise : « Qui de vous m'accusera de péché ? » Joan., VIII, 46. Rappelons-nous sa sainte indignation contre leur duplicité : « Malheur à vous, hypocrites, qui fermez aux hommes la porte du royaume des cieux; vous n'y entrez pas et vous ne permettez pas aux autres d'y entrer. Malheur à vous, guides aveugles..., vous êtes comme des sépulcres blanchis, qui au dehors paraissent beaux, mais au dedans sont pleins de pourriture ».
A l'égard de son Père : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé... J'accomplis toujours ce qui lui plaît... J'honore mon Père et ce n'est pas la gloire que je cherche ». Joan., IV, 34; VIII, 50.
« Père, s'il est possible que ce calice s'éloigne de moi, mais que votre volonté soit faite, non la mienne. » Matth., XXVI, 42. « Père, je remets mon âme entre vos mains... Tout est consommé ». (Luc, XXIII, 46; Jean, XIX, 30.)
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Lun 23 Déc - 20:49 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
L'image parfaite de la simplicité de Dieu
A l'égard des fidèles; « Recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez le repos de vos âmes ». Il a une telle simplicité, qu'il peut parler et lui seul peut parler de sa propre humilité sans la perdre.
Il est le bon pasteur des âmes, qui va de préférence vers les pauvres, les infirmes, les affligés, les petits enfants, et aussi vers les pécheurs pour les ramener.
Et c'est le bon pasteur qui donne simplement sa vie pour ses brebis, en priant pour ses bourreaux, et en disant au bon larron : « Tu seras avec moi, ce soir, en Paradis ». Ce qui est surtout étonnant dans la simplicité de Jésus, c'est qu'elle unit en elle les vertus en apparence les plus opposées, et portées chacune au suprême degré.
En lui se concilient simplement la sainte rigueur de la justice à l'égard des pharisiens hypocrites et l'immense Miséricorde à l'égard de toutes les âmes dont il est le Pasteur; et la rigueur de la justice reste subordonnée à l'Amour du bien, dont elle procède.
En lui se concilient aussi de la façon la plus simple, la plus profonde humilité et la plus haute dignité, magnanimité ou grandeur d'âme. D'une part Il vit trente ans de la vie cachée d'un pauvre ouvrier. Il dit qu'il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir; lorsqu'on veut le faire roi, il s'enfuit sur la montagne; il lave les pieds de ses disciples le jeudi Saint; il accepte pour nous les dernières humiliations de la Passion...
Et d'autre part avec quelle magnanimité, dans cette même Passion, il proclame devant Pilate sa royauté universelle. Pilate lui dit : « Es-tu le roi des juifs ?... Qu'as-tu fait ?... » Jésus répond : « Mon royaume n'est pas de ce monde... » - « Tu es donc roi, » reprend Pilate. - « Tu le dis, je suis roi. Je suis né et venu au monde, pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité écoute ma voix » Jean, XVIII, 33 ss. - Avec quelle simplicité et quelle grandeur, il répond à Caïphe qui l'adjure de dire s'il est le Fils de Dieu : « Tu l'as dit; de plus, je vous le dis, vous verrez désormais le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel ». Matth., XXVI, 64.
Cette simplicité de Jésus conciliait en elle l'humilité la plus profonde et la magnanimité la plus haute, et lui le plus humble des hommes fut condamné pour un prétendu crime de blasphème et d'orgueil.
En lui de même, se concilient la plus parfaite douceur qui le fait prier pour ses bourreaux, et la force la plus héroïque dans le martyre, lorsqu'il est abandonné de son peuple et de presque tous ses disciples aux heures les plus douloureuses de la Passion et du crucifiement. Il y a dans cette simplicité une telle grandeur que le Centurion le voyant mourir ne put s'empêcher de glorifier Dieu et de dire : « Vraiment cet homme était un juste ».
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 25 Déc - 7:22 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
L'image parfaite de la simplicité de Dieu
La simplicité est grande et prodigieusement haute, lorsqu'elle concilie ainsi en elle les vertus en apparence les plus opposées. Elle est la plus haute expression du beau. Le beau en effet est une harmonie, la splendeur de l'unité dans la diversité; et plus la diversité est grande, plus en même temps l'unité est profonde, plus le beau est extraordinaire, et il mérite alors le nom de sublime. C'est vraiment l'image de la simplicité divine qui concilie en elle l'infinie sagesse et le bon plaisir le plus libre, comme aussi l'infinie Justice parfois inexorable, et l'infinie Miséricorde, toutes les énergies et toutes les tendresses de l'amour.
Et c'est pourquoi Dieu seul peut produire dans une âme cette très haute simplicité, image de la sienne. Notre tempérament est déterminé dans un sens, porté soit à l'indulgence, soit à la rigueur, ou encore soit aux grandes vues d'ensemble, soit aux détails des choses pratiques, mais pas aux deux en même temps; si donc une âme, avec une simplicité parfaite, pratique en même temps les vertus en apparence les plus opposées, c'est que le bon Dieu est très intimement en elle, et il la marque à son effigie.
C'est ce qu'a admirablement exprimé Bossuet dans le Discours sur l'Histoire universelle 2e P., ch. 19 : « Qui n'admirerait la condescendance avec laquelle Jésus tempère la hauteur de sa doctrine ? C'est du lait pour les enfants, et tout ensemble du pain pour les forts. On le voit plein des secrets de Dieu, mais on voit qu'il n'en est pas étonné, comme les autres mortels à qui Dieu se communique; il en parle naturellement comme étant né dans ce secret et dans cette gloire, et ce qu'il a sans mesure (Joan., III, 34), il le répand avec mesure, afin que notre faiblesse le puisse porter ».
Pascal dans les Pensées exprime de même la simplicité de Jésus, image très pure de celle de Dieu « Jésus-Christ, sans biens, (sans fortune), sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'invention, il n'a point régné : mais il a été humble, patient, saint, saint à Dieu, sans aucun péché.
Oh ! qu'il est venu en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la Sagesse !... Jamais homme n'a eu tant d'éclat, jamais homme n'a eu plus d'ignominie... Qui a appris aux Évangélistes les qualités d'une âme parfaitement héroïque, pour la peindre si parfaitement en Jésus-Christ ? Pourquoi le font-ils faible dans son agonie ?
Ne savent-ils pas peindre une mort constante ? Oui, sans doute; car le même saint Luc peint celle de saint Étienne plus forte que celle de Jésus-Christ. Ils le font donc capable de crainte avant que la nécessité de mourir soit arrivée, et ensuite, tout fort. Mais quand ils le font si troublé, c'est quand il se trouble lui-même (quand il veut connaître l'écrasement et l'angoisse pour souffrir jusque-là pour nous) et quand les hommes le troublent, il est tout fort », de la force même qui les sauve.
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Mer 25 Déc - 22:23 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE PREMIER - LA SIMPLICITÉ DIVINE
La simplicité de Jésus, image très pure de celle de Dieu, apparaît dans toute sa vie. Comme le remarque le Père Grou : « Il est impossible de dire des choses si hautes et si divines d'une manière plus simple.
Les prophètes paraissent étonnés et frappés des grandes vérités qu'ils annoncent... Jésus se possède en parlant parce qu'il tire tout de son fonds... ; le trésor de ses connaissances est en lui-même, et il ne l'épuise point en le communiquant ». (L'intérieur de Jésus, ch. XXIX.)
Nous pouvons ainsi soupçonner quelque chose de la simplicité de Dieu, de la simplicité de son être, de sa pensée, de son amour, simplicité qui unit dans son éminence les attributs en apparence les plus opposés comme Justice et Miséricorde, qui les unit sans les détruire, mais au contraire les contient à l'état pur, sans aucune imperfection, ni atténuation.
C'est cette simplicité qu'il nous sera donné de voir dans la vie éternelle, si nous nous rapprochons d'elle chaque jour un peu plus, par la simplicité du cœur, sans laquelle il ne saurait y avoir aucune contemplation de Dieu ni aucun amour véritable.
CHAPITRE II - L'INFINITÉ DE DIEU
La simplicité de Dieu, simplicité de l'Esprit pur et de l'Être même, réunit en elle, nous l'avons vu, sans aucune distinction réelle, les perfections en apparence les plus opposées comme la Justice et la Miséricorde, et nous avons trouvé un reflet de cette simplicité divine dans le regard de l'enfant, dans le regard des saints, surtout dans la simplicité si haute de la sainte âme de Notre-Seigneur qui, comme la simplicité divine, réunit en elle les vertus en apparence les plus opposées, l'humilité la plus profonde et la magnanimité la plus grande, la douceur la plus compatissante et la force la plus héroïque, la fermeté de la justice et la tendresse de la Miséricorde.
Il nous faut parler maintenant d'un autre attribut de l'être divin, qui est son infinité. Sans lui on ne saurait concevoir la Sagesse divine, ni la Providence.
Cet attribut paraît au premier abord s'opposer au précédent; car notre intelligence reste plus ou moins captive de l'imagination, qui nous représente la simplicité divine, comme celle d'un point, sommet d'une pyramide. Or un point est indivisible et inétendu, il n'est donc pas infini. Comment Dieu peut-il être à la fois souverainement simple et infini ?
C'est que la simplicité divine n'est pas celle d'un point dans l'espace ; c'est une simplicité spirituelle très supérieure à l'espace et au point; et de même l'infinité de Dieu est une infinité de perfection, très supérieure à ce que serait l'infinité corporelle d'un monde qui n'aurait pas de limites.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: 26 décembre : Sainte Marie Vincente Lopez y Vicuña Mer 25 Déc - 22:34 | |
| 26 décembre : Sainte Marie Vincente Lopez y Vicuña :
ReligieuseEspagnole originaire de la Navarre, elle refusa le mariage que ses parents voulaient lui imposer. A dix-neuf ans, elle se consacra à Dieu. En 1871, elle commença a vivre en communauté et cinq ans plus tard elle reçut l’habit. Enfin, en 1878, avec l’aide du Père jésuite Hidalgo y Soba, elle fonda la communauté des sœurs du service domestique de Marie Immaculée (qui devint l’Institut des Filles de Marie Immaculée en 1905). Malheureusement, dès l’année suivante elle commença à éprouver de sérieux problèmes de santé, malgré les nombreux séjours qu’elle effectua dans les Pyrénées pour tenter d’enrayer la maladie, elle mourut épuisée par le travail et la maladie à l'âge de 43 ans en 1890. Elle fut canonisée en 1975 par le bienheureux pape Paul VI. Son corps fut retrouvé intact et souple en 1893, toujours intact, mais raidi, en 1898 c'est à dire au bout de 18 ans.(252) Biographie de Sainte Marie Vincente Lopez y Vicuña.https://fr.wikipedia.org/wiki/Vincente-Marie_López_y_Vicuña Homélie de canonisation par le pape Paul VI.http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/i5r.htm#fb SAINTS DU 26 DÉCEMBREhttps://nominis.cef.fr/contenus/fetes/26/12/2019/26-Decembre-2019.html Que Jésus Miséricordieux vous bénisse ami de la Miséricorde | |
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Jeu 26 Déc - 22:19 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE II L'INFINITÉ DE DIEU
Beaucoup d'erreurs sur l'infinité divine proviennent de ce que l'on confond l'infinité quantitative d'une étendue qui n'aurait pas de bornes ou d'un temps qui n'aurait pas commencé avec l'infinité qualitative ou de perfection, comme celle d'une sagesse infinie et d'un amour infini. La différence de ces deux infinis est pourtant considérable, c'est celle qui sépare les corps de l'Esprit pur infiniment parfait.
Il ne faut pas confondre non plus cette infinité de perfection, qui est souverainement déterminée, si complète qu'on ne peut rien lui ajouter, avec l'indétermination de la matière capable de recevoir toutes les formes.
Ce sont là les deux extrêmes d'une part l'indétermination absolument imparfaite de la matière, et de l'autre l'infinité souverainement parfaite de l'Esprit pur qui est l'Être même.
La preuve à priori de l'infinité divine
Comment se prouve l'infinité de Dieu, ainsi conçue comme une infinité de perfection ? Saint Thomas en donne, Ia, q. 7, a. 1, une très belle preuve que peuvent saisir facilement les artistes. Il remarque que l'idéal de l'artiste, la forme idéale conçue par lui, par exemple la forme de la statue de Moïse, conçue par Michel-Ange, a une certaine infinité, avant d'être matérialisée, limitée à telle portion de matière, en tel lieu de l'espace.
Cette forme idéale du Moïse dans la pensée de Michel-Ange est en effet indépendante de toute limite matérielle, et il peut la reproduire indéfiniment dans le marbre, l'argile ou le bronze.
Il faut en dire autant de toute forme idéale, même de la forme spécifique des êtres de la nature: de la forme spécifique du lis, de celle de la rose, de celle du lion, ou de celle de l'aigle.
Ces formes spécifiques, avant d'être matérialisées, limitées à telle portion de matière, en tel lieu de l'espace, ont une certaine infinité formelle ou de perfection, qui est l'indépendance de toute limite matérielle, c'est ainsi que l'idée du lis est supérieure à tous les lis particuliers, l'idée de l'aigle supérieure à tous les aigles dont elle exprime l'essence.
C'est un principe: Toute forme non encore reçue dans la matière a une certaine infinité de perfection.
Or il est facile d'appliquer à Dieu ce principe, remarque saint Thomas, car de toutes les perfections formelles, la plus parfaite est, non pas celle du lis, ou de l'aigle, ou de l'homme idéal, mais celle de l'être ou de l'existence, qui est l'actualité ultime de tout.
Toutes les perfections de ce monde sont quelque chose qui est capable d'exister, mais elles ne sont pas l'existence même; elles peuvent la recevoir, comme la matière reçoit la forme du lis ou celle de la rose.
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Messages : 6641 Date d'inscription : 18/05/2017 Age : 66 Localisation : Paray Le Monial
| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Ven 27 Déc - 23:01 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE II L'INFINITÉ DE DIEU
La preuve à priori de l'infinité divine
Si donc Dieu existe par soi, s'il est l'Être même, l'existence même, conclut saint Thomas, il est infini, d'une infinité non pas quantitative, mais qualitative et de perfection. Si le lis idéal est indépendant de toute limite matérielle individuelle, l'Être même subsistant dépasse non seulement toute limite spatiale et matérielle, mais même toute limite d'essence. Tandis qu'un ange, si parfait soit-il, a une existence finie selon les limites de son essence spirituelle, en Dieu, l'existence n'est pas reçue dans une essence, susceptible d'exister, il est l'Existence même, irreçue, éternellement subsistante.
Dieu est ainsi souverainement déterminé, parfait, complet, rien ne peut lui être ajouté, et il est en même temps infini; c'est-à-dire d'une perfection sans limites, incompréhensible, « l'océan infini de l'être », dit saint Jean Damascène, mais un océan spirituel, sans bornes, ni rivages, très au-dessus de l'espace, du point, et infiniment supérieur dans sa spiritualité à ce que serait un monde matériel quantitativement infini, ou sans limites.
C'est en même temps l'infinité de l'Être, de l'esprit pur, de la sagesse, de la bonté, de l'amour et de la puissance, car l'infinité est un mode de tous les attributs divins. Telle est la preuve à priori qu'en donne saint Thomas, elle est tirée de ce principe : Toute forme non encore reçue dans la matière a une certaine infinité de perfection, comme par exemple la forme du lis. Or l'existence est en toutes choses ce qu'il y a de plus formel, l'ultime actualité. Et donc Dieu, qui est l'Être même, l'existence même, est infini, d'une infinité de perfection, qui dépasse toute limite spatiale, matérielle, et même toute limite d'essence. Il est ainsi infiniment supérieur à tous les corps et à tous les esprits purs créés.
Preuve a posteriori de l'infinité divine
Il y a une autre preuve de l'infinité de Dieu; c'est une preuve a posteriori, qui montre que la production des êtres finis ex nihilo ou leur création de rien suppose une puissance active infinie, qui ne peut appartenir qu'à une cause infiniment parfaite. (Cf. saint Thomas, Ia, q. 45, a. 5.)
En effet, une cause finie ne peut produire un effet quelconque qu'en transformant un sujet préexistant, susceptible d'être transformé. Ainsi le statuaire a besoin de matière pour faire une statue; ainsi encore le maître forme peu à peu l'intelligence du disciple, mais il ne lui a pas donné l'intelligence.
Et plus le sujet à transformer est pauvre, plus la puissance active transformatrice doit être riche et féconde. Plus la terre est pauvre, plus il faut la labourer, y mettre une bonne semence, la fertiliser. Mais si la terre était si pauvre, si pauvre, qu'elle soit réduite à zéro, à rien, absolument rien, alors pour produire de ce rien quelque chose, il faudrait une puissance active non seulement très riche et très féconde, mais une puissance active infiniment parfaite, c'est la puissance créatrice.
Les agents créés sont transformateurs, mais ils ne sont pas créateurs. Pour produire tout l'être d'un être fini quelconque, si petit soit-il, pour produire tout l'être d'un grain de sable, c'est-à-dire pour le produire de rien, il faut une puissance infinie, qui ne peut appartenir qu'à l'Être infiniment parfait; et donc la cause première de tout ce qui arrive à l'existence doit être infiniment parfaite.
Non seulement le plus élevé des anges n'a pu créer l'univers physique, mais il ne peut même pas créer un grain de poussière, et il ne le pourra jamais; il faut, pour créer de rien (c'est-à-dire: sans aucun sujet préexistant) quoi que ce soit, une puissance infinie
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| Sujet: Re: La Providence et la confiance en Dieu par Fr. Garrigou-Lagrange Sam 28 Déc - 22:45 | |
| DEUXIÈME PARTIE LES PERFECTIONS DE DIEU QUE SA PROVIDENCE SUPPOSE
CHAPITRE II L'INFINITÉ DE DIEU
Preuve a posteriori de l'infinité divine
Le panthéisme a fait à cette doctrine traditionnelle et révélée une objection assez puérile. Il dit : à l'Infini rien ne peut être ajouté; si donc le monde s'ajoute, comme une réalité nouvelle, à l'être de Dieu, l'être de Dieu n'est pas infini.
A cela, il est facile de répondre : rien ne peut s'ajouter à l'Infini dans le même ordre; c'est-à-dire on ne peut rien ajouter à son être, à sa sagesse, à sa bonté, à sa puissance. Mais il ne répugne pas du tout que dans un ordre inférieur quelque chose s'ajoute à l'Être infini, comme un effet s'ajoute à la cause éminente qui le produit. Le nier, serait refuser à l'Être infini la puissance de produire quelque effet distinct de lui; dès lors il ne serait plus infini. Le panthéisme insiste : mais alors, après la production des êtres créés, il y a plus d'être et de perfection qu'avant; ce qui revient à dire que le plus sort du moins.
La théologie traditionnelle répond : Après la création, il y a plusieurs êtres, mais il n'y a pas plus d'être, ni plus de perfection qu'avant. De même lorsqu'un grand maître, comme saint Thomas, a formé quelques disciples, il y a plusieurs savants, mais il n'y a pas plus de science qu'avant, si les disciples n'en savent pas plus que le maître. Si cela est vrai, à plus forte raison est-il vrai de dire : Après la création, il y a plusieurs êtres, mais pas plus d'être; il y a plusieurs vivants, mais pas plus de vie; il y a plusieurs intelligences, mais pas plus de sagesse; car avant la création, il y avait l'Être infini, la Vie infinie, la Sagesse infinie, qui contenaient éminemment toutes les perfections limitées des êtres créés. Telle est l'infinité de Dieu : infinité de perfection, qui est la plénitude non pas de la quantité ou de l'étendue, mais de l'être, de la vie, de la sagesse, de la sainteté et de l'amour.
Nous sommes faits pour l'Infini
Quelle leçon pratique est contenue pour nous dans ce mystère de l'infinité divine ? Une très grande leçon : c'est que nous sommes faits pour l'infini, pour connaître le vrai infini, et pour aimer le Bien infini, qui est Dieu. La preuve en est que nos deux facultés supérieures, l'intelligence et la volonté, ont une amplitude infinie.
Tandis que nos sens n'atteignent qu'une modalité sensible de l'être ou du réel, tandis que nos yeux n'atteignent que la couleur, et que nos oreilles ne perçoivent que le son, notre intelligence saisit l'être, la réalité des choses, leur existence; et elle voit que l'être, qui est plus ou moins limité, dans la pierre, la plante, l'animal, l'homme, ne comporte pas de soi de limites. Notre intelligence, très supérieure aux sens et à l'imagination, aspire ainsi à connaître, non pas seulement les êtres finis et limités, mais l'Être infini, autant du moins qu'il est connaissable pour nous. Notre intelligence aspire à connaître, non pas seulement les vérités multiples et restreintes de la physique, des mathématiques, de la psychologie, mais la Vérité suprême et infinie, principe éminent de toutes les autres.
C'est ce qu'on dit aux petits enfants du catéchisme : « Pourquoi avez-vous été créé et mis au monde ? - Pour connaître Dieu ». Et l'on ajoute : « pour l'aimer, le servir, et obtenir ainsi la vie éternelle ».
Comme en effet notre intelligence a une amplitude illimitée et peut connaître l'être universel et par suite l'Être suprême, de même notre volonté a une amplitude illimitée elle aussi. Elle est en effet sous la direction de l'intelligence, qui conçoit, non pas seulement tel bien sensible délectable, comme un fruit, non pas seulement tel bien sensible utile, comme un instrument de travail, mais le bien comme tel, le bien honnête, comme la vertu, la justice, le courage, etc.
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